Léon Degrelle, sur la route du fascisme

Spécialiste belge de Céline et Drieu La Rochelle, directeur de la Revue générale, Frédéric Saenen est a priori plus connu comme critique littéraire et on lui doit un roman qui a eu un certain succès, L’Enfance unique. Il a choisi ici de se pencher sur la figure singulière du fondateur du « rexisme » belge, Léon Degrelle.

Un itinéraire belge

De fait, loin de la légende qu’il s’est bâti après la guerre dans les milieux d’extrême-droite européens, Degrelle méritait l’attention d’un historien. Il naît dans les Ardennes belges, non loin de la frontière française et grandit en pays wallon. Catholique sincère, il est repéré pour ses talents de journaliste et puis l’homme sait se vendre. Il a du charisme et est repéré par l’église. Le voilà héraut d’un catholicisme de choc, leader du mouvement Rex, classé à droite. Degrelle est aussi un casse-cou qui fait pas mal de voyages. Plongé dans les magnétiques années trente, Degrelle glisse très à droite, subissant petit à petit l’attraction des totalitarismes nazi et fasciste. Il reste pour autant au moins jusqu’à la guerre un monarchiste sincère, attaché à la dynastie. Député, il pourfend la gauche, les juifs, bref tous les ennemis de l’époque pour un partisan de l’extrême droite. Arrêté au début de l’offensive allemande du 10 mai, il est transféré de nombreuses fois jusqu’en France et n’est libéré qu’après l’armistice.

Le choix du nazisme

Revenu à Bruxelles, Degrelle n’a pas changé par rapport à ses positions d’avant-guerre. Il est ouvertement pour la Collaboration avec l’occupant et y engage son mouvement. Son originalité est de choisir de partir pour le front de l’est après le déclenchement de Barbarossa, dès que l’occasion se présente. Là-bas, Degrelle se bat et y acquiert une sorte de légitimité auprès de ses pairs. Mais l’homme affabule, il s’imagine des liens particuliers avec Hitler qu’il a au final peu rencontré. Degrelle a quelque chose de Tartarin de Tarascon tant il affabule et invente (il racontera plus tard qu’il a inspiré Hergé pour créer Tintin !) en prenant toujours un point de départ réel et avéré.

Après-guerre, Degrelle réussit à s’en sortir en s’établissant en Espagne. Là-bas, il se refait une vie tout en clamant jusqu’au bout son admiration pour Hitler et son adhésion au négationnisme. Personnage écœurant mais parfois fascinant, Degrelle s’est en tout cas imposé par la légende qu’il a lui-même façonné dans les milieux d’extrême-droite mais aussi au-delà : un vrai matamore !

Sylvain Bonnet

Frédéric Saenen, Léon Degrelle, Perrin, février 2025, 368 pages, 25 euros

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