Henua : une femme disparaît, encore
Marin Ledun, ancien chercheur chez France Telecom (dont il a dénoncé certaines méthodes), s’est fait un nom comme écrivain de romans noirs avec Leur âme au diable (Gallimard, 2020) et Free Queens (Gallimard, 2023). Pour ce dernier, Ledun proposait une immersion dans la société nigériane plutôt angoissante. Pour Henua, il propose de nous emmener aux îles Marquises.
Un policier à la recherche de ses racines et d’une morte
« Morel a froid. Il fixe ses mains, posées à plat sur ses genoux. Elles tremblent. Ses genoux aussi. Son corps tout entier. Sa bouche est sèche. Il n’a pas desserré les dents depuis le départ ni jeté un seul coup d’œil au hublot situé sur sa droite. »

Tepano Morel est un métis, fils d’une femme née aux Marquises. C’est aussi un flic en poste en Polynésie française, à qui on confie le meurtre de Paiotoka O’Connor. Une femme sublime, mère d’un petit garçon, qui devait se marier à un métro, Bastien Maillart. Morel commence son enquête avec une gendarme locale, Wong, ex-amante de la victime. Plus il avance, plus Morel en apprend sur cette jeune femme qui se prostituait pour arrondir ses fins de mois, qui subissait la violence de son fiancé (un con). Pourtant ce n’est pas lui qui l’a tué, la vérité est parfois liée au hasard et à la bêtise. Pour son retour à la terre natale de sa mère, Henua, Morel en bave…
Un roman noir aux tropiques
Quand on pense aux îles Marquises, on se rappelle de Jacques Brel : nonobstant la voix sublime du grand Jacques, c’est peu. Marin Ledun a donc le mérité à travers ce roman de nous faire découvrir un territoire lointain de la Grande nation, marqué par sa colonisation et l’évangélisation menée par l’église catholique, sans oublier les conséquences des essais nucléaires. Le roman reconstitue la vie de la belle Paiotoka, souvent victime de la violence des hommes qui la désirent. Roman noir, Henua nous parle aussi des violences subies par les femmes. C’est très bien écrit, avec un personnage taciturne et sympathique dont on finit par apprécier les réparties. Henua est une grande réussite de Marin Ledun : il faut le lire.
Sylvain Bonnet
Marin Ledun, Henua, Gallimard « série noire », février 2025, 416 pages, 19 euros
