Main basse sur Israël, Netanyahou et la fin du rêve sioniste

Après une carrière de diplomate, Jean-Pierre Filiu a entamé une carrière d’universitaire où il s’est spécialisé dans l’étude du Moyen-Orient et du monde arabe. Les éditions La Découverte rééditent son ouvrage sur le premier ministre actuel d’Israël, Main basse sur Israël, à un moment où l’état Hébreu est à un tournant de son histoire, englué dans cette sombre guerre de Gaza.

Un itinéraire israélien et américain

Comment Benyamin Netanyahou est-il arrivé à devenir plusieurs fois premier ministre d’Israël ? L’homme, Jean-Pierre Filiu le décrit bien, est issu d’une famille qui s’est inscrit dans le sillage politique et idéologique de Zeev Jabotinsky, le maître du sionisme révisionniste, un extrémiste qui rêvait de fonder un état juif incluant la Jordanie. Netanyahou est aussi un cadet qui a grandi dans l’ombre de son frère, Yonatan, mort lors de la libération des otages israéliens à Entebbe en 1977. Enfin, il a passé une grande partie de sa vie aux Etats-Unis où il a fait ses études et travaillé. Contrairement aux travaillistes comme Rabin, très liés avec la communauté juive américaine, Netanyahou a cultivé ses liens avec les évangéliques et les sionistes chrétiens, classés à droite et votant Républicain. L’homme connaît les arcanes du congrès américain, les lobbyistes de l’AIPAC et cela va le servir…

Contre la gauche, contre Sharon, contre l’état palestinien

Netanyahou est un membre du Likoud, la droite israélienne et fait ses premières armes en luttant contre le processus d’Oslo lancé par Rabin et Peres. En 1994-95, il multiplie les discours incendiaires contre le gouvernement travailliste et contribue très largement à l’atmosphère qui engendre l’assassinat de Rabin : on ne le sait pas encore mais le processus de paix est mort en même temps. Netanyahou bat nettement Peres en 1996 en promettant la sécurité. A cause des pressions de Clinton, il est obligé de poursuivre le processus de paix avec les accords de Wye Plantation mais facilite la colonisation. Battu par Ehoud Barak, Netanyahou prend du recul et laisse les premiers rôles à Ariel Sharon, un faucon qui réussit à arriver au pouvoir en février 2001 à cause de la deuxième intifada et des erreurs de Barak. Netanyahou sera remis en selle par son rival qui le nomme aux affaires étrangères puis aux finances : il s’y révélera un néolibéral féroce, faisant d’Israël une société très inégalitaire, loin de l’idéal des Kibboutz. Il s’oppose violemment à Sharon lors de l’évacuation de Gaza et de la création du parti Kadima. Mais Sharon fait une attaque et c’est son dauphin Ehoud Olmert qui reprend le flambeau. Netanyahou attend son heure, profite des erreurs d’Olmert et reprend le pouvoir en 2009. Après un intermède en 2022-23, il y est toujours.

A droite toute

Netanyahou a favorisé la colonisation. Il a torpillé le semblant de processus de paix, favorisé le Hamas à Gaza et nié la légitimité de l’autorité palestinienne dirigée par Abbas. Notons que Filiu semble méconnaître les écrits négationnistes de ce dernier. Netanyahou a résisté aux pressions d’Obama (tout en empochant l’aide américaine) et à celles très timides de l’Union Européenne. Pour lui, les arabes ont inspiré Hitler dans son projet génocidaire. Ce n’est donc pas si étonnant qu’il ait fini par s’allier avec l’extrême-droite des colons de Cisjordanie. Ce parcours, très bien relaté ici, rappelle celui de certains populistes en Europe et ailleurs. Surtout, il montre combien un dirigeant peut abîmer la position et l’image d’un pays comme Israël.

Un livre passionnant, parfois partial, dont la réédition tombe à un moment décisif.

Sylvain Bonnet

Jean-Pierre Filiu, Main basse sur Israël : Netanyahou et la fin du rêve sioniste, La Découverte, mars 2025, 248 pages, 13 euros

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