Fritz Lang le maudit, une bande dessinée pour un des plus grands cinéastes du monde

La bande dessinée historique

En France, la bande dessinée vend et un genre s’est développé ces dernières années : la bande dessinée historique, offrant un aperçu de la biographie de personnages du passé. Ici, Arnaud Delalande, écrivain et scénariste (on lui doit Le dernier cathare, Surcouf et La jeunesse de Staline, ce dernier déjà chez Les arènes) fait équipe avec Eric Liberge pour nous donner un album consacré à un géant du septième art, Fritz Lang. L’itinéraire de Lang est, il faut le dire assez unique.

Un homme maudit ?

Lang, né en Autriche, fait la guerre sur le front de l’est et en revient blessé et décoré. Lorsque la paix revient, il s’installe à Berlin et décide de devenir cinéaste, l’album le décrit très bien comme un jeune homme débordant d’idées, un artiste enthousiasme pour ce cinéma si nouveau. Les auteurs se concentrent sur un évènement qui a changé sa vie : en 1920, Lang est surpris en pleins ébats avec sa maîtresse Théa Von Harbou par sa femme. Celle-ci est retrouvée morte et l’enquête conclut au suicide. Mais était-ce vraiment un suicide ? Un policier, lui, n’y croit pas.

Plongée dans l’Allemagne de Weimar

Lang est un cinéaste de la culpabilité et surtout des coupables, de nombreux films le montrent : M le maudit et, dans sa période américaine (qui n’est pas évoquée dans cet album) L’invraisemblable vérité. Dans les années 20 il a aussi été un cinéaste allemand révolutionnaire, champion de l’expressionnisme, portant à l’écran les scénarios écrits par sa femme Théa : Les Nibelungen, Docteur Mabuse, Metropolis notamment. Or ces films, hantés par le déclin de l’Allemagne et dépeignant une société allemande parfois décadente, ont été adorés par les nazis. Lang a, comme le montre une scène de l’album, été approché par Goebbels pour diriger le futur cinéma national-socialiste. Mais Lang avait des origines juives et le mentionna à Goebbels qui répondit :

« Vous savez, Herr Lang, c’est nous qui décidons qui est juif, et qui ne l’est pas… Vous comprenez ? »

Scène peut-être apocryphe… La réaction de Lang fut simple : partir. Et son cinéma sera à jamais hanté par la culpabilité : celle du survivant de la guerre de 14, celle de l’homme qui a peut-être tué sa femme par amour de sa maîtresse, celle de l’artiste qui a nourri le terreau culturel sur lequel a poussé le nazisme, celle de l’apatride obligé de refaire sa vie aux USA (et il sera inquiété pendant le maccarthysme). Il n’en a pas moins été un des meilleurs cinéastes du monde (je pèse mes mots). Cet album, très bien dessiné par Eric Liberge, lui rend hommage. Lisez-le et ensuite, regardez les films de Lang s’il vous plaît.

Sylvain Bonnet

Arnaud Delalande & Eric Liberge, Fritz Lang le maudit, Les arènes BD, mars 2022, 112 pages, 22 euros

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