Georges Perec, What a man !


La tentation est grande de théoriser le mystérieux lien que serait susceptible d’entretenir l’œuvre du juif athée Georges Perec avec son héritage.  

Le moyen de n’y pas souscrire ? 

Non sans quelque intention pacifique, Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur au Collège de France et administrateur de la Bibliothèque nationale,  ne notait-il en 1991, préface à un somptueux volume consacré aux manuscrits hébreux des collections françaises royales et privées

O peuple du Livre ! Allah soi-même, s’adressant aux juifs dans la cinquième sourate du Coran, ne le disait-il pas ? »

Le moyen de ne pas s’émerveiller qu’un juif, non pas apostat ou renégat, simplement un ancien enfant de Belleville, élevé au plus loin de la tradition savante, puisse avoir fait de la lexicographie et du dictionnaire, les outils les plus aptes à graver son nom au panthéon des lettres françaises et le canal par lequel s’attaquer à l’innommable expérience d’enfant caché et d’orphelin de la Shoah, qui fut la sienne ? 

Intéresse chez Perec ce projet qui n’eut jamais d’égal, avoué à Jacques Chancel au cours d’une séance de radioscopie 

 J’aimerais avant de mourir utiliser tous les mots du dictionnaire. »

Emporté en quelques mois par un cancer à 46 ans, Perec échouera au contre la mort mais gagnera haut la main son inscription au livre des records.  Avec le secours d’un algorithme, quelqu’un, quelque jour, publiera l’exact nombre de mots utilisés une seule fois par le cruciverbiste, le poète, le romancier, le dramaturge et le radio man, que fut Georges Perec, lauréat et du Renaudot 65 pour Les Choses, une histoire des années soixante, et en 1979 du Médicis pour La Vie mode d’emploi, deux livres qui le méritaient bien. 

 En hébreu le mode d’emploi se dit halah’a » (du verbe holeh’ qui signifie marcher, la marche à suivre). Considéré que ce mot désigne le plus souvent l’ensemble des prescriptions nécessaires à vivre en bon juif, 613 au nombre, et au regard de la signification donnée par Perec de son maître-livre

Face à l’inextricable incohérence de ce monde, il s’agira d’accomplir jusqu’au bout un programme restreint sans doute mais entier et irréductible. »

Nous ne pouvons qu’admettre l’idée de la possible judéité sous-jacente du projet et nous en étonner, compte tenu du peu d’intérêt, une litote, avoué par Perec pour ces sortes d’affaires. 

Bien le problème majeur des études juives dans l’après-guerre !  Selon l’un des rares hébraïsants à avoir défendu les études juives comme province ordinaire du domaine scientifique, les meilleurs avaient hélas choisi de se faire hellénistes, historiens, sociologues, philosophes ou psychanalystes, à l’instar des maîtres de Berlin ou de Budapest, les Simmel, Lukács, Gadel etc., qui onques et en nulle circonstance ne mentionnèrent leur appartenance à la vieille religion.  

Perec, enfant caché et victime de la grande persécution, n’a pu longtemps, à son âme dépendante, se vivre en parfait assimilé, en français authentique.  

Pas bien original. Le nom de cette fracture ? Munich. Sa date, le 5 septembre 1972. Les juifs redécouvrirent pouvoir être assassinés sans que le monde ne s’en émeuve. La compétition reprit comme si de rien n’était à 8h15 —, les athlètes en otage depuis seulement cinq heures. Quand quelques spectateurs, sûrement des juifs, déployèrent une banderole sur laquelle on lisait « « 17 morts, déjà oubliés ? »  Celle-ci fut saisie par des agents de sécurité et les profanateurs vivement sortis du stade. 

À ce moment que les juifs de diaspora ont su qu’en France, on naît israélite et on meurt youpin, que partout sur la terre habitée, les leurs seraient menacés, redevenus les boucs de l’anticapitalisme et du droit de tous les peuples — excepté un : eux — à disposer d’eux-mêmes. Sans être le moins du monde candidat ou même aficion du projet sioniste, peu d’entre eux se résolurent à mêler leur voix à la vindicte générale, choisissant presque tous de s’en retourner dans la région du plus profond silence, dans la vallée des pleurs, marranes ordinaires, mille fois exilés, de la torah des pères, de la synagogue, de leur langue natale et de la terre promise. Déracinés comme onques avant eux ne le fut jamais, arrachés au Yiddisland, à la Nation française et même à l’Internationale des peuples. Ils ne parleraient ni yiddish ni polonais ni hongrois ni tchèque ni roumain ni russe ni ukrainien ni allemand ni ruthène ni serbe ni bosnien ni macédonien ni albanais ni turc ni esperanto ni hébreu ni grec ni latin, simplement la langue vulgaire de leur terre marâtre. Orphelins, l’étaient jusqu’au cou, réclamant à Kafka, à Beckett et à Joyce un peu de leur génie pour ne se vivre ni tout à fait en cloporte ou en clochard mais en Homme, en grec/juif, lecteur d’Homère, de Plotin, de Maïmonide et de Thomas d’Aquin.  Le passage de L’ homme qui dort où Perec décrit « les rats des Halles, porteurs d’invisibles étoiles » témoigne du malaise ontologique de l’étrange petit Poucet chaussé des bottes de sept lieues volées à l’Ogre, parcourant la terre de France pour l’ensemencer de ses mots et de son œuvre encore à venir. 

Ceci ajouté à la souffrance intime conduira Perec à accompagner Robert Bober à Ellis Island sur les traces des exilés, le condamnant, lui qui n’eut de cesse de classer/ranger/répertorier, à entrer dans la catégorie « écrivains de l’exil », quoiqu’il soit né et mort à l’Est de Paris.  Mort de l’auteur ? Tu parles, Charles !  Le lexicographe Perec est bel et bien devenu un écrivain juif de langue française, un mort sans sépulture. Peut-être sans kaddish. Rappelons qu’en dépit de la furie moderniste juive, l’incinération n’est pas admise par la loi mosaïque. 

Dans son roman Quoi de neuf sur la guerre ? ,  Bober invente un personnage du nom de Georges dont la manie est de faire des listes et dans la deuxième partie du même livre, celui de Nathan emprunte beaucoup de traits à Perec. 

Fatum aut voluntas aut male habitus ? L’espace et le temps manquent ici pour répondre à la question.   

Intéresse chez Perec l’usage de la lexicographie comme une bombe à retardement jeté à la face des complices des assassins.  

Aujourd’hui Marcel Benabou, ami de jeunesse du mort, universitaire, normalien avec toute la panoplie, historien de l’Antiquité et Secrétaire définitivement provisoire de l’Oulipo depuis 1970, coordonne un recueil autour de What a man !, le plus coruscant et abracadabrant des monovocalismes en A de son ami.  

La mise en relation de la cabale selon Marc Alain Ouaknine était-elle nécessaire à l’excellent volume ? 

La tentation est grande. Cabala en espagnol ne signifie-t-il pas mots croisés et quel peuple avant les juifs avait eu l’idée saugrenue d’associer lettrisme et création, imaginer un dieu jeteur de lettres etc. Dans quelle mesure le Zohar et Le livre de la création, principal artisan de la fabrique dudit Zohar constituerait il un outil efficace de lecture de Perec, voici en creux une des questions auquel le What a man ! de Marcel Benabou nous convie. 

Le sommaire copieux tient ses promesses, exégèse, appareil critique, anthologie du A, sans oublier des variantes monovocales en A, O et E, respectivement signées par Jacques Roubaud, Jacques Jouet, Patrice Caumon et Michel Laclos.

On connaît Jacques Roubaud, poète distingué par Aragon, érudit, humaniste au sens renaissant. On sait encore ses passions diverses, un champ de compétences qui s’étend du Japon et du jeu de go à la littérature anglaise, son intérêt pour l’œuvre de Lewis Carroll, le premier, enfin du moins il passe pour tel, à s’être servi d’un échiquier pour structurer le récit d’un périple intérieur, sans oublier l’effort accompli pour faire relire en France et Trollope l’enchanteur, qui du plus vil métal fait de l’or romanesque et Gérard Manley Hopkins, sans doute l’un des plus prodigieux poètes d’un siècle qui connut Verlaine, Rimbaud et Mallarmé. On le sait aussi mathématicien. Nul n’ignore qu’à l’aberration des études de Lettres, Roubaud répondit par la fuite, préférant toute sa vie enseigner les mathématiques à l’Université qu’un faux scientisme ou un à-peu-près revu et ré-idéologisé. Cet homme est un mystère, qui fut aussi, honneur à La belle Hortense, le Pétrarque de l’incroyable Alix Cléo Roubaud :

Hirsute la fragmentation de tes prénoms,Je les disais toujours ensemble, l’un heurtant l’autre : Alix Cléo »

Encore membre actif de l’Oulipo et à ses moments perdus, traducteur de l’anglais comme de la langue d’oïl.  

On connaît moins, à moins d’être radiophile, les trois Papous, Jouet, Caumon et Laclos, tous trois écrivains, et pour les deux derniers, illustrateur et cruciverbiste. À lui seul, Perec homme orchestre fut en bonne part tout ceci. Pas Papou. Excusé. Les Papous n’existent que depuis 1984.  

Selon Roubaud, l’écriture à contraintes constituait « le meilleur remède à la mélancolie », habile manière d’ancrer la déconstructrice aux côtés des Tristes et de L’Enéïde dans la plus haute terre du pays des Lettres. 

Rencontre de l’Oulipo à Bologne, Italie, 1975. On y reconnaît, mais sans vous dire où : Georges Perec, Jacques Roubaud, Italo Calvino, Raymond Queneau, Harry Mathews…

Tout d’abord, qu’est-ce que l’Oulipo, ouvroir de littérature potentielle, auquel le germaniste Albert-Marie Schmidt a donné son nom et chacun d’entre ses membres après lui ses lettres de noblesse.   

Selon Amir D. Aczel, né à Haïfa d’un père marin, mathématicien, spécialiste de l’histoire de sa discipline, chargé de cours à Boston, mort à Nîmes comme tout le monde d’un cancer et auteur d’un formidable livre consacré à Nicolas Bourbaki, Histoire d’un génie mathématique qui n’a jamais existé : 

L’oulipo est une société littéraire bâtie plus ou moins sur le modèle de Bourbaki. Les membres de l’Oulipo — parmi lesquels ont figuré — Roubaud, Queneau, Perec — plusieurs grands écrivains européens — Calvino demeure sans conteste le plus célèbre d’entre eux — adoptèrent un certain nombre d’objectifs et de principes de Bourbaki. Un des objectifs du groupe était de refaçonner la littérature ; un autre était de rompre avec les normes de l’écriture couramment admises, et un troisième était de ne pas se prendre au sérieux. »

Nul ne saurait gloser de l’Oulipo sans connaître la naissance et la mort du général Bourbaki, personnage, non pas fictif mais réel qui n’entretint aucun rapport avec les mathématiques mais servit un quart de siècle après sa mort de prête-nom ou d’homme de paille à l’une des plus formidable mystifications ou canulars scientifiques… Le groupe compta les plus grands mathématiciens du XXe siècle, Alexandre Grothendieck, André Weil, Laurent Schwartz, Henri Cartan, Jean braconnier, Jean Delsarte, Jean Dieudonné, Jean-Pierre Serre, René Thom… La liste excéderait mon lecteur. Ce qui nous intéresse ici, outre le fait que la joyeuse bande de « mathématiciens français et exclusivement masculins » — nous a valu de faire « des maths modernes », d’approcher, en pure perte pour ma part, « la » mathématique des ensembles dès l’école primaire et de grandir sous la tutelle de la Structure et de la linguistique, autant dans les sciences humaines qu’en Littérature,  tient au fait que le premier manifeste inscrit dans les statuts de l’association le recours à l’algèbre, aux topologies… Bref, au cœur du projet, l’utilité potentielle des mathématiques, telles qu’elles avaient été axiomisées par le groupe, tenait la place royale. Le Lionnais retint aussi le côté potache, français – les jeux de mots souvent tiennent de l’almanach Vermot —, l’inauguration eut lieu dans la cave du Vieux Gascon et longtemps, les Dames furent tenues à l’écart…  Il s’agissait de soumettre la chose littéraire, le texte, à la question mathématique. Ses fondateurs François Le Lionnais comme Raymond Queneau étaient mathématiciens. 

Malgré cela, avec cela, cet art de combinaisons et de permutation des sons, Perec parvint à prendre place dans le corpus des écrivains post-catastrophe, un corpus qui va de Beckett à Modiano en passant par Appelfeld, Cioran, Blanchot… à faire entendre l’élégante complainte de l’offense à l’enfance et le plain champ des rêves, envahissant les veilles, sous les espèces de l’heureux mal-être qui met la plume en main.    

Perec, esprit orchestre comme Roubaud, avait du génie.  Il arrivait aussi au bon moment. 

Pas le cas de son prédécesseur, Ernest Vincent Wright. 

Le premier lipogramme sans e ne fut pas La Disparition mais Gadsby, four retentissant bourré de 50.000 mots — dont se trouvèrent bannis tous les verbes anglais comportant un passé en –ed, publié à compte d’auteur l’année 1939 et devenu aujourd’hui roman-culte. La Disparition ne sera considérée comme une œuvre importante qu’après la parution de l’exploit ou La vie mode d’emploi

Perec était parvenu à enfouir dans la forme du lipogramme ses souvenirs occultés, il était parvenu au cœur de l’écriture à contraintes à faire resurgir la blessure modianesque, la plaie béante d’un psychisme à jamais endommagé par la grande histoire, subie et vécue à hauteur d’enfant. Derrière les charniers de 1945, des vies minuscules resurgissaient, particulièrement celles de « ceux qui avaient eu de la chance », les enfants cachés-sauvés, ceux qui avait quitté leurs parents en 42 et s’étaient réveillés, trois ans après, au grand vestiaire de la vie, orphelins, pris en charge par des inconnus ou des parents éloignés. Perec devint la voix de millions d’hommes qui ne pourraient jamais écrire Longtemps je me suis couché de bonheur mais devraient admettre, enfants du blanc, du néant, de l’oubli, qu’on dit amnésie, n’avoir pas de souvenir d’enfance, être devenus des étrangers à eux mêmes : des rescapés, des amputés, des psychismes cassés comme il est des gueules cassées. 

Quid alors de la « mélancolie » censément consolée par l’écriture à contraintes, sachant que l’épine noire, fichée en l’âme humaine, de tous temps, s’est caractérisée par le vague des passions, l’absence de raisons ?  Au nom de mélancolie, il faudrait, un jour rêvé pour le poisson banane, préférer la notion de SPT et décliner sur un autre mode nos lectures post 1945 culs posés dans des rocking-chairs, des fauteuils club ou des Chesterfield,  au Grand Hôtel de l’abîme entre Paris et Budapest, Jassy et Babi-Yar, Auschwitz et Hiroshima. La littérature mondiale a-t-elle en partie changé de nature ? 

Je me souviens que le frère de Pierre Vidal-Naquet, bébé de la Shoah, s’est suicidé au gaz au seuil de l’âge d’homme. 

Je me souviens aussi des difficultés identitaires du même Vidal-Naquet, particulièrement envers le judaïsme et Israël, un mélange de fierté et de colère. Beaucoup d’immodestie. 

Je me souviens de Serge Gainsbourg, écumant contre la Collaboration au moment de la sortie de l’album Rock around the bunker.  

Je me souviens de Pierre Goldman, redevenu un juif polonais né en France et non plus français.

Je me souviens de Charles Najman, accompagnant, caméra à la main, sa mère Solange à Évian-les-Bains en cure thermale en compagnie d’anciennes déportées aux titres de réparations de guerre. 

Je me souviens de l’instant où Najman et Goldman ont cessé de croire en la révolution mondiale avec la ferveur de leurs ancêtres hassidim. 

Je me souviens m’être dit que ça ne m’arriverait jamais avant de me mettre à écrire. 

Contre cette infinie tristesse, cette terreur sans nom, il fallait bien, lexicographe, convoquer tous les mots du dictionnaire et recourir au vieux Vermot, monument à la longévité sans égal. De 1886 à aujourd’hui, la publication ne connut qu’une interruption – de 1943 à 1946 et ne fut pas comme outre-Rhin, le grand Karl Valentin, interdit de retour « pour manque d’humour » qui, un matin d’été 1933, s’était selon ses dire « réveillé avec de la merde jusque-là » (la phrase était accompagnée d’un salut nazi). 

Célébrer Perec exigeait-il que l’on justifiât l’échec cuisant du pauvre Wright dont la biographie semble avoir bel et bien disparu. Naufragée sa misérable vie, à l’instar de Voyl (Voyelle) un des héros de La Disparition. Longtemps, la postérité estima ce texte autoédité, insignifiant. Pire : mièvre. Son crime, être né américain, entendre sensiblard. Son héros, Gadsby, à une lettre près le magnifique, quinquagénaire, entraîne une équipe de jeunes gens à répandre la joie autour de lui dans une cité fictionnelle devenue invivable.

Schwartz-Bart, dans son dernier opus posthume, L’Étoile du matin, interroge les écritures post-catastrophes — la noire comme la juive — avec une netteté qui n’eut jamais d’égal :

Un individu peut-il porter le deuil de tout un peuple ? La boucle s’achevait, l’enquête sur le grand massacre l’avait renvoyée à elle-même, Linemarie, à son propre univers, et elle s’interrogeait sur l’étrange folie de cet homme. Peut-être était-ce son véritable objectif : non pas écrire un livre, mais demeurer en contact avec les disparus, leur ménager un espace de vie sur la terre, en son esprit, jour après jour, jusqu’à disparition d’ici-bas…  »

Chez Schwartz-Bart comme chez Salinger, renonçant à finir le portrait de Seymour, terminer équivaudrait à une trahison. De la même manière, Perec toujours a pris grand soin de laisser dans chacune de ses œuvres un vide, feuille ou toile blanche, pièce manquante au puzzle, personnage naufragé, éternel Palinure, exceptés dans ses monovocalismes. 

Dans la brève anthologie du A », le lecteur découvrira ce que dit le Zohar de l’aleph et le trouvera associé au monovocalisme What a man ! 

L’idée, pour séduisante, ce A qui claque comme oriflamme au vent, ce A de la grenade d’Hérodiade, ce A qui ouvre la bouche pour dire, redire l’assentiment à la vie de Molly Bloom, digne ou indigne épouse du Juif/Grec ne suffisait-il pas ?  

 Perec Poucet a tenté de retrouver son chemin dans l’obscure nuit solitaire des orphelins et des enfants cachés, qui longtemps a été à l’instar d’Appelfeld, Un homme qui dort ou Le garçon qui voulait dormir et les pierres peréciennes, avec le temps, ont fini par constituer un trésor de diamants exégétiques. 

Parmi eux, ce fameux monovocalisme en A. 

L’analyse de Benabou est hautement pertinente et la lecture de son introduction absolument passionnante. Elle constitue aussi la meilleure introduction à l’œuvre, considéré sous l’angle de l’écriture à contraintes. 

Lire Perec est toujours une joie, et ce monovocalisme en A, jusqu’à cet Abracadabra final, en lequel repose, entier, tout le pouvoir analgésique de l’acte littéraire, « pratique de la joie contre la mort », activité qui, par l’exercice de la mise à distance atténue la souffrance, ne fait pas exception 

 Toujours et seulement peut-être « Le chat jaune de l’abbé Seguin », commanditaire de Vie de Rancé, en lequel Roland Barthes voyait toute la littérature.  

Que cet « abracadabra » fût ou ne fût pas abrahamique, la chose importe elle ? 

Était-il vraiment nécessaire de convoquer Ouaknine, lecteur du Zohar, nouveau Scholem ? 

Le Livre de la création, matrice du Zohar, parle de gravure du monde en chiffres et en lettres et non de création. 

Féerie pour une autre fois 

Perec fut un génie, doté d’une puissance de travail incoercible et son projet, venger ses parents morts, l’un au service de la France et l’autre, livrée aux verts de gris, à l’aide du dictionnaire, mérite attention, hourrahs et bravos, les oreilles et la queue, sans que la question, posée par l’écriture à contraintes, ne demeure. 

Le substrat perécien est-il véritablement servi par l’écriture à contraintes ? 

La question ne recevra de ma part pas de réponse, du moins immédiate. 

À suivre…   

Sarah Vajda

Georges Perec, What a man ! introduit et commenté par Marcel Benabou, suivi de Belle espèce de mec ! de Patrice Caumont, Oh ! l’ostrogoth ! de Jacques Jouet, Hommage à Parac de Michel Laclos et What a map ! de Jacques Roubaud, Le Castor astral, septembre 2019, 14 euros. 

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