Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire – Avis sur des Kaijus au régime

Tandis que Kong peine à trouver sa place au sein de la Terre Creuse, Godzilla élimine les titans qui menacent l’humanité. Les deux colosses ne vont pas tarder à unir leurs efforts afin de sauver le monde d’un danger inconnu, qui renvoie à l’origine même de leur rivalité.

Force est de constater que la guerre des franchises qui oppose les studios, a pris un tournant pathétique ces dernières années, avec les tentatives d’Universal (qui a vainement essayé de rassembler plusieurs créatures célèbres à commencer par La Momie, avec un échec retentissant à l’arrivée) et un ridicule “MonsterVerse” estampillé Legendary mélangeant les univers de Godzilla et de King Kong. Parce que le spectateur n’avait pas assez à faire avec la lente déliquescence des super-héros, les cascades stupides de Fast & Furious ou les jouets made in Hasbro (Transformers), il fallait ajouter à cet ensemble décadent une transposition fourre-tout des deux mastodontes les plus célèbres de l’Histoire du septième art.

Après un Godzilla assez honnête signé Gareth Edwards (le cinéaste, un poil surévalué, derrière Star Wars : Rogue One), un Kong : Skull Island même pas digne d’une série B et les débiles Godzilla 2 : Roi des monstres et Godzilla vs Kong (Kong qui utilise le langage des signes, un grand moment de vacuité…), les producteurs s’entêtent dans leur bêtise avec ce Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire. L’idée soi-disant géniale de cette licence, proposer une vision moderne des deux géants en les transformant en super-héros gigantesques qui détruisent tout sur leur passage pour le plaisir du public (mais rassurez-vous, ils protègent la planète). La dimension écologique ou le rapport avec la nature qui structurait les œuvres d’origine sont présentés sous la forme de pensum illustratif, la métaphore ne faisant pas partie des qualités de la saga.

Un point fort regrettable surtout que le Pays du Soleil levant a rappelé récemment que le lézard nucléaire appartenait bel et bien à son patrimoine culturel, en accouchant d’un très efficace Godzilla Minus One sur le fond et sur la forme. Oui, un message se dissimule sous les décombres laissés par les monstres dans les meilleurs opus nippons, une finesse inexistante dans les longs-métrages développés par Legendary (y compris lorsque l’on compare Godzilla Minus One et le travail de Gareth Edwards). Voilà pourquoi, cette énième suite engendrée par l’Oncle Sam n’a rien à apporter sur le papier et les craintes se confirment très vite, tant le yes man aux commandes, Adam Wingard, infantilise son sujet.

Choc de titans émoussés

Lors d’un échange hautement philosophique, un des protagonistes de Godzilla 2 : Roi des monstres expliquait que les humains devenaient de fait, les animaux de compagnie des titans. Ce point de vue au moins amusant va être complètement inversé par un Adam Wingard paresseux à défaut d’être ingénieux, le réalisateur s’empressant de rabaisser Godzilla et Kong au rang de créatures domestiques, un poil capricieuses, mais tellement adorables. Puisque le ridicule ne tue pas, il n’hésite pas à afficher le premier en pleine sieste au cœur de l’amphithéâtre romain et le second anesthésié pendant une extraction dentaire délicate.

Vous l’aurez compris, l’humour bas du front qui infecte les blockbusters s’est emparé aussi de celui-ci, pour le pire, jamais pour le meilleur, tant les situations comiques n’arrachent même pas un sourire. Le retour de l’ami Bernie, acolyte insupportable, ajoute davantage de sel à ce dispositif mal calibré. On peut entendre que l’esprit sérieux présent dans l’épisode supervisé par Gareth Edwards et surtout dans Godzilla Minus One ait été supplanté par une vaste farce, symbolisée par la projection de catch effectuée par Godzilla sur Kong. Cependant, le cinéaste se prend d’un autre côté tellement au sérieux quand il explore la Terre Creuse ou tisse les liens entre Kong et un mystérieux congénère, que son entreprise échoue dans les grandes largeurs.

Le Godzilla : Final Wars de Riûhei Kitamura, sous sa carapace de nanar mal dégrossi, était investi par l’énergie folle de son auteur et en devenait plaisant, et dénué de toute prétention. Mais ce Godzilla x Kong : Le nouvel Empire ne l’égale point, plombé aussi bien par une mise en scène au rabais ou des confrontations fades, sans imagination à l’appui, que par un scénario à peine fonctionnel. Les éléments qui constituaient la force formelle des réussites dédiées au gorille ou au lézard géant, à savoir la suggestion et le sentiment de l’épée de Damoclès inexorable, personnifiée par les monstres, ne se retrouvent jamais dans la direction d’Adam Wingard.

La défaite du fan service

En effet, d’une certaine manière, son long-métrage incarne à merveille la déchéance de ce fan service sur lequel repose bon nombre de superproductions contemporaines. À force de vouloir remplacer la créativité par des compositions nostalgiques, Hollywood perd sa dernière once de crédibilité, emportant ici avec elle les vestiges glorieux du cinéma de genre. Quand Adam Wingard ne peut plus s’appuyer sur des clins d’œil et sur un folklore apprécié des aficionados, il se noie alors en conjectures et raccourcis facile.

Le charisme de Kong ou de Godzilla, qui émanait des films d’antan s’étiole tandis que leur antagoniste, dépourvu du moindre trait de caractère le dissociant du vilain du jour, cher au Miles Morales de Spider-Man Across the Spider-Verse, ne rentrera pas dans les annales et tombera dans les limbes de l’oubli. Ce que certains aiment qualifier de plaisir coupable ressemble plutôt désormais à un naufrage savamment orchestré, tant il coche toutes les cases de l’ambulance sur laquelle on tire à vue.

Par conséquent, il serait grand temps pour Legendary de dire adieu à cette franchise, pour le bien de ses monstres sacrés. Bien entendu, la loi du box-office devrait a priori encourager la firme à maintenir son cap, ce qui prouve que l’on parvient toujours à donner raison à la médiocrité. Ce n’est point la peine de bouder le MCU (à raison) pour nourrir d’autres bêtes aussi immondes.

François Verstraete

Film américain d’Adam Wingard avec Rebecca Hall, Brian Tyree Henry, Dan Stevens. Durée 1h55. Sortie le 3 avril 2024

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