Notre Révolution, la BD qui redonne chair à 1789

Parue en 2025 aux éditions La Découverte dans la dynamique collection «  Histoire dessinée de la France », Notre Révolution réunit deux auteurs d’exception : Guillaume Mazeau, historien spécialiste de la Révolution française, maître de conférences à Paris 1 ¨Panthéon – Sorbonne, connu pour son engagement dans la transmission publique de l’histoire (comme notamment conseiller historique du film Un peuple et son roi) et Mathieu Dunhill avec l’aide pour la partie documents de Jean Paul Krassinsky, figure connue du dessin engagé  dont le style graphique joue avec les contraintes pour mieux stimuler l’intelligence du lecteur.

Ce tandem inattendu, un historien rigoureux et un dessinateur iconoclaste, offre un récit tout sauf académique : une fresque vivante, sensible, profondément politique, qui restitue la Révolution française non comme un monument figé mais comme un moment d’effervescence collective et de lutte sociale toujours en tension.

Une contre-histoire de la Révolution

On aurait pu craindre un énième récit de 1789 à 1794, centré sur les grandes figures (Robespierre, Danton, Marat) et les moments bien balisés (La Bastille, Valmy, Thermidor). Ce n’est pas l’esprit de Guillaume Mazeau qui revendique dès les premières pages une histoire au ras du sol attentive aux aspirations, aux peurs et aux colères des anonymes. Le choix d’un narrateur « collectif », sorte de « chœur révolutionnaire », donne à cette fresque une puissance émotionnelle rare. Ici, ce ne sont pas les grands discours de la Convention que l’on entend mais les murmures des faubourgs, les cris des femmes aux marchés, les chansons populaires et les pamphlets qui circulent de main en main.

Le dessin au service de l’histoire sociale

Le trait de Jean Paul Krassinsky est à la fois minimaliste et expressif. Il joue sur les codes de la caricature sans jamais tomber dans la facilité. Chaque case semble nourrie d’archives, de gravures d’époque mais réinterprété avec une modernité graphique qui évite le piège du pastiche. Le dessin ne cherche pas à illustrer l’histoire : il met la tension là où il faut. L’emploi du noir et blanc les ruptures de style, les doubles pages où s’entremêlent récits et documents, permettent une lecture polyphonique.

Une leçon d’engagement

En convoquant les débats historiographiques (de Michelet à Soboul en passant par Mona Ozouf ou Lynn Hunt), sans jamais les figer, cette bande dessinée devient une leçon de méthode. Comment écrit-on l’histoire ? Pour qui ? Et à partir de quelles sources ? En refusant une subjectivité revendiquée, pleinement incarnée dans ce « notre » du titre :  ceux qui comme, hier et aujourd’hui, se battent pour la dignité, l’égalité et l’émancipation.

Une œuvre salutaire

Plus qu’une bande dessinée historique, Notre Révolution est un manifeste visuel pour une histoire partagée, sensible et critique. Elle rappelle que la Révolution ne fut pas un bloc mais un processus conflictuel où s’inventa, dans le sang mais aussi dans l’espérance, une certaine idée de la démocratie. 

A mettre entre toutes les mains, notamment celles des lycéens mais aussi des enseignants et tous ceux qui veulent penser le présent à la lumière d’un passé brûlant d’actualité.

Franck Dupire

Guillaume Mazeau & Jean Paul Krassinsky, Notre Révolution, La Découverte collection « Histoire dessinée de la France », mai 2025, 176 pages, 23 euros

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