Sortie cinéma de “Cronos”, le premier film de Guillermo del Toro
Alors que Netflix nous annonce pour cette année la diffusion d’un Frankenstein de Guillermo del Toro, les Films du Camélia ont la bonne idée de sortir en salles le premier long métrage du réalisateur, Cronos, qui est une variation sur l’autre grand mythe du cinéma fantastique, Dracula. Les voies de la distribution de films étant devenues depuis un certain temps plus impénétrables que celles du Seigneur, on renoncera à comprendre pourquoi, en France, ce Cronos, qui date de 1993, n’avait jusque-là été édité – et au demeurant fort discrètement – qu’en DVD. Disons qu’on ne trouvera pas dans cette production modeste l’ampleur du Labyrinthe de Pan, mais on pourra la préférer, et de loin, à ces machines un peu empesées qu’étaient les deux Pacific Rim.

Tout commence donc chez un antiquaire mexicain qui découvre par hasard, à l’intérieur d’une statue exposée dans sa boutique, un scarabée en or, à peu près de la taille d’un poing. Beau bibelot décoratif. Mais ce bibelot se révèle être – là encore par hasard – un automate d’où jaillissent des pattes qui sont en fait des griffes et une espèce de tentacule/seringue qui injecte on ne sait trop quoi dans le corps de l’individu qui s’avise de l’attraper. Il semble que cette opération a pour effet de transformer le sujet en vampire, autrement dit de lui conférer l’immortalité… mais à condition qu’il se nourrisse désormais de sang humain. Tout cela, à vrai dire, n’est pas très clair et le serait beaucoup plus si nous disposions du « mode d’emploi », mais ce mode d’emploi se trouve dans un vieux grimoire, œuvre de l’alchimiste qui, il y a plusieurs siècles, a conçu et fabriqué ce scarabée, et ce grimoire est la propriété d’un vieil homme très riche en proie à un cancer terminal et qui rêve de s’emparer de ce fabuleux objet qui lui permettrait de gagner l’immortalité des non-morts.
Et c’est là que cette variation sur le thème de Dracula se fait originale. Nous avons, pour ainsi dire, deux Dracula pour le prix d’un. S’instaure entre les deux hommes une espèce de « je te tiens, tu me tiens par la barbichette », chacun aspirant paradoxalement à un but différent. L’antiquaire, passé l’exaltation première de sa « métamorphose », voudrait redevenir un mortel ordinaire ; l’autre est prêt à employer tous les moyens pour mettre la main sur l’automate qui le transformerait en vampire. L’opposition est d’autant plus symbolique que les deux comédiens choisis par del Toro – Federico Luppi et le buñuelien Claudio Brook – pour incarner les protagonistes se ressemblent énormément.
Déjà caractéristique de l’ambiguïté du réalisme magique latino-américain qu’on retrouve dans bien des films de del Toro, le dénouement ne résout pas tout, mais il semble bien que pour le réalisateur l’avenir ne saurait exister qu’à travers la petite-fille de l’antiquaire, autrement dit qu’à travers les enfants.
FAL
Cronos, un film de Guillermo del Toro, avec Federico Luppi, Ron Perlman, Claudio Brook, Tamara Shanath et Margarita Isabel. 92 minutes.