Mémoires du comte de Gramont


Les éditions Gallimard ont eu une bonne idée en rééditant dans leur collection de poche Folio un bouquin savoureux mais un peu oublié, les Mémoires du comte de Gramont, écrites par son beau-frère, Antoine Hamilton. 

une vie de frivoles mondanités

Ces Mémoires racontent la vie et les aventures d’un aristocrate libertin et frondeur, commensal des cours des rois et des nobles, et séducteur invétéré. A la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles, Gramont participe activement à une vie de frivoles mondanités, mais en observe les travers avec malice, et amusement, tant en France qu’en Angleterre où il est exilé par Louis XIV. 

Pour un lecteur du XXIe siècle, le livre est intéressant à double titre.

Loin d’être un chef d’œuvre à cause de longueurs coupables, il nous renseigne utilement sur ce monde étrange des élites de jadis, dont les bals, les alcôves et les adultères, constituaient l’emploi du temps. Entre la Carte du Tendre et des fausses confidences, Gramont habite un champ littéraire qui n’est pas exempt de dangereuses liaisons. On aurait vite fait d’y voir un Casanova à la petite semaine, mais dans un registre plus mineur, car si Gramont séduit quelques comtesses à la cuisse légère, le Vénitien, lui, séduit une religieuse déjà maitresse d’un cardinal ! La comparaison s’arrête donc là. 

La deuxième raison qui nous attache à ce texte est le ton enjoué, l’esprit partout présent, et une langue merveilleusement classique, à peine archaïsante, à mi-chemin entre le vieux français de Montaigne, et la phrase percutante de Flaubert. De sorte qu’un certain charme emporte le lecteur, laissant au destin conduire à sa guise la vie turbulente d’un comte aussi fataliste que sympathique. 

perle de l’ancien régime

En dépit des rodomontades du prière d’insérer, ce récit ne se rapproche pas de Voltaire. Ni de Saint Simon, loin s’en faut. Mais bien plutôt d’Alexandre Dumas, pour de belles batailles de cape et d’épée, voire de Honoré d’Urfé, pour des roucoulades d’amour courtois qui tiennent de grandes pages. Mais on le lira sans se poser ce genre de questions, conscient d’en apprendre beaucoup sur les mœurs de l’ancien régime, entre autres. 

On notera, enfin, que sur les 418 pages du livre, pas moins de 118 sont consacrées à des notes, préface, annexes, répertoire, bibliographies, chronologie… ce qui constitue autant d’informations sur l’auteur, son héros et leur temps. 

Didier Ters

Antoine Hamilton, Mémoires du comte de Gramont, édition de Michel Delon, Gallimard, « Folio Classique », 418 pages, juin 2019, 9 eur 

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