« Happy! » la série qui passe Noël au rouge sang
Inspirée du comic-book publié par Image Comics en 2012 créé par Grant Morrison au scénario et Darick Robertson aux crayons, Happy! devient une série fantastico-policière de 8 épisodes diffusée initialement sur SyFy puis récemment sur Netflix.
Bad lieutenant
Flic tombé en disgrâce, Nick Sax est une épave, une pathétique éponge errante imbibée de mauvais alcool et de toutes les drogues qui peuvent lui tomber sous la main. Violent, à la limite de la sociopathie — les gens bien élevés parleraient ici d’une très légère tendance à la misanthropie — cet ancien détective de la criminelle de New-York, insulte, brutalise et désoblige tout ce qui est à portée de voix ou de ses poings.
Ne parlons pas de ses délicieuses fréquentations : camés, dealers, trafiquants d’armes et autres prostituées. Seulement voilà. Sa route va croiser celle d’un… — respirez — petit cheval bleu de cartoon — Happy — sollicitant son aide pour sauver la petite fille dont il est l’ami imaginaire des griffes d’un sinistre père noël…
Ce qui aurait alors pu passer pour une collection d’épuisants clichés polardeux prend de fait une tournure bien plus drôle, inquiétante et intrigante.
Comédie en noir…
Rappelons-nous que Grant Morrison est en partie aux commandes de la série et réjouissons-nous de ce fait.
Si les clichés existent c’est avant tout pour être mieux détournés, déformés et concassés par l’humour cinglant, noir, mordant et iconoclaste de l’auteur. Tout y passe.
A commencer par l’imagerie enfantine incarnée Happy. Si les premiers épisodes visent à nous le rendre insupportable par ses chansons niaises à se travailler le tympan à la perceuse et son comportement parfaitement idiot, la suite verra le personnage changer du tout au tout, version badass d’une peluche pour enfants en bas âge.
Que dire de ce que fait subir Morrison au plus familial des symboles qu’est Noël ?
Évoquons simplement deux images : de la viande et un hachoir électrique…
Il y a encore bien des choses que nous pourrions évoquer mais ce serait gâcher quelque peu les… hum… merveilleuses surprises qui vous attendent dans Happy!…
… mais pas seulement
Là où, par exemple, un Ash vs Evil Dead joue à fond la carte du premier degré jouissif assumé, Happy! cache sous la dure croûte d’un humour sombre et potache une profondeur bienvenue, donnant une tout autre dimension au récit. Des regards, des attitudes, la situation désespérément mortifère de Sax, le destin funeste qui attend tous les amis imaginaires comme Happy, l’évocation sans concession d’un trafic d’enfants, tout concourt à mettre en scène la brutale et horrifiante collision entre l’innocence de l’enfance et les pires perversions du monde des adultes. D’une histoire qui aurait pu se contenter d’être seulement insolente, on passe à un sous-texte pénétrant sur la perte de l’innocence et la possibilité d’une rédemption mises en scène sous forme d’une ultra-violence mise en miroir avec l’imaginaire enfantin.
« There’s no fuckin’ Santa Claus! »
Habitué des séries grand public (New-York Unité Spéciale) et de leurs codes convenus et policés (insérer rires), on n’attendait certainement pas Christopher Meloni à cet endroit.
Que dire sinon qu’il est limpide que l’acteur prend énormément de plaisir à jouer un flic qui est l’exact négatif de l’inspecteur Stabler qu’il incarna pendant plus de 10 ans.
Pas un épisode sans que son personnage ne soit roué de coups, ivre, drogué, éructant des bordées d’injures bien senties. Mais plus encore, se sont les flash-back savamment dispersés au fil des épisodes qui donnent toute son épaisseur au personnage. Par-delà la boule de rage avinée on découvre un homme brisé par les horreurs dont il a été témoin (vous ne verrez plus votre micro-onde de la même manière), un homme qui a échoué, raté son couple, baissé les bras, et qui trouve en la chevaline personne de Happy une chance de racheter ses fautes. Jouer aussi bien de l’outrance et de la subtilité dans le même temps est le fait des grands acteurs. Meloni en fait ici une brillante démonstration.
Happy! n’est pas à mettre à portée de tous les regards, tant à cause de la dureté du propos que par la violence très explicite qui est sa marque de fabrique. Si vous cherchez l’originalité, l’outrance, une série qui griffe et mord le spectateur, le choque, le remue et le dérange, alors visionnez-la derechef, sinon, passez votre chemin.
Le seul regret que l’on pourra formuler concerne le dernier épisode, à la fin quelque peu convenue au regard de ce qui est développé au long des huit épisodes de cette première saison. Mais là encore, n’est-ce pas un ultime pied de nez fait à ce qui pourrait être attendus par les spectateurs ?
Allez savoir…
Éric Delzard.
Happy! série sur Netflix. 8 épisodes de 50 minutes.