Histoire du gauchisme de Philippe Buton : l’après Mai

Un spécialiste du communisme

Professeur à l’université de Reims, Philippe Buton est connu du public des amateurs d’histoire politique pour des ouvrages comme Les lendemains qui déchantent, le parti communiste à la Libération et Communisme : une utopie en sursis ?. Cette année, il revient avec une Histoire du gauchisme, qui constitue une occasion de revenir sur un phénomène politique largement oublié aujourd’hui. Une Atlantide pas si lointaine… Avec cet ouvrage, on redécouvre un monde disparu, celui des années 1968-1981, où la jeunesse étudiante se sentait majoritairement à gauche, « gauchiste ».

Qu’est-ce que le gauchisme ?

Avant tout, le refus de l’embrigadement au sein du parti communiste et de ses organisations de jeunesse. Le PCF a, dans ses années-là, une position hégémonique à gauche. Mais beaucoup de jeunes gauchistes lui reprochent d’avoir au fond accepté le jeu démocratique et l’abandon de la Révolution. Et puis l’air du temps est à gauche, grâce à la contestation étudiante contre la guerre du Vietnam, aux changements sociétaux en cours. Qui se souvient de Week-end de Godard qui attaquait à tout va la société de consommation, le capitalisme tout en vantant l’insurrection contre la bourgeoisie ? A l’époque, le film eut du retentissement. Il reste emblématique de ce gauchisme (et non du génie de Godard : pour cela voir Pierrot le fou avec les non moins géniaux Jean-Paul Belmondo et Anna Karina, au passage la plus belle actrice de la Nouvelle Vague).

A la recherche de la pureté

A la lecture de l’ouvrage de Buton, on comprend que le gauchisme est une exigence de pureté révolutionnaire. Alors nos gauchistes s’enflamment pour Trotsky, l’ennemi de Staline (et néanmoins créateur de l’armée rouge), Che Guevara et Mao, l’homme de la révolution culturelle, le « pur » de la Révolution. Les trotskystes auront la ligue de Krivine, Lutte ouvrière et l’OCI (une pépinière de cadres pour le PS de Mitterrand) et les maoïstes la Gauche Prolétarienne, qui flirtera avec le radicalisme et la lutte armée… sans toutefois passer au terrorisme. Pourquoi ? Pour Philippe Buton, l’imprégnation de la culture républicaine et de la Résistance (difficile de traiter comme des fascistes convaincus des résistants comme Chaban et des Messmer !) servit de garde-fou.

Et quel bilan ?

Au fond oui, quel bilan tirer de ce moment gauchiste ? Au niveau culturel, le gauchisme se maria avec les aspirations libertaires de la génération soixante-huitarde. Au bénéfice les droits gagnés pour les femmes comme l’avortement, ou aussi le soutien (pas évident au début) aux homosexuels. Comptons également dans le positif l’irruption de l’écologie alors que le gauchisme n’avait pas conscience au début de l’impératif de l’environnement…du côté négatif, le gauchisme contribua à l’affaiblissement de l’État, à des non-sens en matière d’instruction publique. Sans compter les errements de certains héritiers aujourd’hui.

Cette Histoire du gauchisme de Philippe Buton est un ouvrage important sur un moment politique dont nous sommes les héritiers contraints.    

Sylvain Bonnet

Philippe Buton, Histoire du gauchisme, Perrin, mai 2021, 560 pages, 26 eur

Laisser un commentaire