Hiver 1812, la tragique retraite de Russie

Du roman à l’histoire

Romancier (citons parmi ses œuvres Le corps de la France ou La tranchée de Calonne, parus à La Table Ronde), Michel Bernard est connu des amateurs d’histoire comme l’auteur d’Hiver 1814 (Perrin, 2019), récit poignant de la campagne de France, une des meilleures de Napoléon d’un point de vue tactique (mais totalement inutile). Ici, il revient avec un récit de la retraite de Russie, Hiver 1812, conçu à partir des souvenirs rédigés bien après la débâcle.

A hauteur d’homme

Ici on trouve un récit de la retraite de Russie fidèle aux faits et qui s’attache aux hommes et femmes qui constituèrent ce cortège de plus en plus malade. On attache ainsi ses pas à ceux du sergent Adrien Bourgogne, à ceux du colonel de Montesquiou-Fézensac. Avec eux on éprouve le froid, on souffre de la faim et on se bat. L’armée qui part de Moscou est en effet constamment harcelé par les Russes commandés par Koutouzov et bien sûr par les Cosaques. Habitués au climat, les Russes laissent l’armée française se décomposer lentement. Surtout que les soldats de Napoléon ont de moins en moins de réserves de nourriture : quand ils arrivent à Smolensk, les magasins sont pratiquement vides. De plus, être blessé équivaut pratiquement à une condamnation à mort… Et puis il y a les civils comme la comédienne Louise Fusil, des Français établis de longue date à Moscou et qui ont préféré suivre l’armée française de peur des représailles. La plupart mourront sur le chemin…

Un empereur déboussolé

La figure de Napoléon innerve le récit. D’abord, il est mis en échec par le tsar Alexandre qui refuse de négocier. Il perd ainsi un temps précieux à Moscou, alors que l’hiver arrive, à attendre une réponse des Russes, à espérer une négociation. Et il n’est pas vrai que Napoléon ne connaissait pas les rigueurs de l’hiver russe : lecteur de Voltaire, il connaissait l’histoire de Charles XII. Il est finalement obligé de consentir à la retraite, fait prendre des risques à ses maréchaux (il manque ainsi de perdre Ney, un des plus populaires parmi la troupe), réussit in extrémis à faire passer la Bérézina à la majorité des survivants. On le craint, on le respecte, on n’ose le critiquer alors qu’il est responsable de la guerre. Son départ fait perdre la cohésion à la troupe, Murat n’ayant pas du tout ses capacités…

Hiver 1812 de Michel Bernard est un livre poignant.

Sylvain Bonnet

Michel Bernard, Hiver 1812, Perrin, octobre 2022, 304 pages, 21 euros

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