Le métier d’écrivain selon Hermann Hesse

C’est un tout petit bouquin qui pourrait se lire à toute vitesse, mais, en réalité, il mérite bien mieux que cela. Il s’appelle Le Métier d’écrivain, et il est signé Hermann Hesse. Les différents textes que contient l’ouvrage ont été écrits au début du siècle dernier. Ecrivain, à la fois poète, romancier, essayiste, Hesse est né en Allemagne, mais habita la Suisse la plus grande partie de sa vie. C’est là qu’il reçut le prix Nobel de Littérature, en 1946.

« Être écrivain, c’est être lecteur » 

Le Métier d’écrivain propose cinq chapitres différents, principalement consacrés à des thèmes récurrents : le langage, l’écriture, la critique, le romantisme, la lecture. S’y ajoutent diverses notes et une utile préface de Nicolas Waquet, le tout rassemblé dans la présente réédition. Pourquoi cela ? Sans doute pour mieux connaitre cet écrivain prolifique, qui confessait un amour immodéré pour les grands maitres (Goethe, Holderlin, Nietzsche), et une vive attraction pour l’Inde ; et pour mieux s’interroger avec lui sur ce « métier d’écrivain », le seul qu’il pratiqua jusqu’à sa mort en 1962. 

D’emblée, Hermann Hesse note une grande difficulté pour l’écrivain et surtout le poète : utiliser le même langage que tout le monde, les mêmes mots que le marchand, le magistrat, l’ébéniste ou le cultivateur. Le musicien, lui, « dispose d’un langage qui lui est réservé, destiné uniquement à la musique ». Cependant, si ce poète « se trouve dans le pays de l’âme, alors les mots lui viennent sans peine, les uns après les autres, comme par magie, portés pat tous les vents ». Une jolie définition de ce romantisme qui lui est cher. 

« Lecteur des autres, lecteur de soi, lecteur de tout. »

Plus personnel est le chapitre qui raconte « Une nuit de travail ». Hesse écrivait le soir, et passait une partie de la journée à s’y préparer. « Je le faisais à contre-coeur, tout en sachant que je ne pouvais pas m’y soustraire ». Puis on l’imagine, dînant frugalement d’un yaourt et d’une banane, installé « assis à la lumière de ma petite lampe », tout entier à sa plume. Il s’interroge alors sur la nécessité d’un tel travail, ne lui en trouve pas d’autre que celle de répondre à une inclination intérieure, puissante et contraignante à la fois.  « Plein de cette certitude, je suis allé me coucher, aussi fort qu’un géant », conclut-il. 

L’auteur s’intéresse également à la critique, plus exactement aux « Bons et mauvais critiques », sachant égratigner certains, mais reconnaissant leur présence « Le développement de la presse a fait de la critique une institution permanente, un métier, un facteur essentiel de la vie publique. (…) La société a besoin d’organes spécialisés, pour assumer les phénomènes intellectuels de notre époque » écrit-il en 1930. L’arrivée des nazis et l’interdiction qui sera faite de la publication de ses œuvres en Allemagne lui donnera matière à d’autres réflexions ultérieures…

Ainsi Hermann Hesse nous livre-t-il, à force de confidences, un portrait de l’écrivain qui est d’abord le sien, sans fausse pudeur, mais avec une sincérité parfois désarmante. Passionné de livres et de lectures, autant que de peintures ou de musique, et bien sûr d’écritures, au sens propre, celui de la graphologie, il s’exclame enfin « Louanges à vous, splendides écrits de la nature ». Cet éloge si sensible de l’écrivain ira droit au cœur de tout amateur de littérature. Il est nous est transmis par une voix douce, délicate, dont chaque mot peint et dépeint les couleurs de l’esprit. Elle donne à ces petits textes un charme indéfinissable. 

Didier Ters

Hermann Hesse, Le Métier d’écrivain, préface et traduction de Nicolas Waquet, éditions Rivages, 80 pages, mai 2021, 14,90 eur

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