Un linceul n’a pas de poches, le retour d’Horace McCoy
Un maître du roman noir
Après avoir exercé différents métiers, Horace McCoy, futur grand du roman noir, finit par publier des romans comme On achève bien les chevaux en 1935. Mais c’est à Hollywood qu’il perce comme scénariste, signant notamment les scripts de Gentleman Jim de Raoul Walsh ou des Indomptables de Nicholas Ray. Un linceul n’a pas de poches ne trouva pas d’éditeur en Amérique et fut publié en Angleterre, tellement les thèmes abordés semblaient sulfureux.
Dénoncer la corruption
« Quand Dolan fut averti par téléphone que le directeur de la rédaction souhaitait le voir dans son bureau, il sentit que ça allait barder et, tout en montant l’escalier, il se dit une fois de plus que le manque de courage de la presse était une honte. »

Dolan est un journaliste en colère. Il démissionne de son journal quand son rédacteur en chef lui refuse un article sur la corruption dans le base-ball. Après avoir fait appel à un généreux donateur et à quelques amis, Dolan monte son journal, le Cosmopolite. Et sort plusieurs articles à charge sur certains membres de la bourgeoisie locale, un médecin qui pratique des avortements sur des femmes qu’il a mise enceinte. Il perd aussi April, son grand amour, tuée par son mari jaloux, et se marie avec la fille d’un sénateur sur un coup de tête : pour annuler l’union, il gagne trente-cinq mille dollars qu’il réinvestit dans son journal, résistant à ceux qui veulent l’acheter. Puis il s’intéresse aux Croisés, une bande d’extrémistes qui rappelle autant le Ku Klux Klan les fascistes européens. Dolan s’en prend à eux, au risque d’y laisser sa peau…
Un grand polar
Un linceul n’a pas de poches rappelle un peu La moisson rouge d’Hammett : il s’agit dans les deux cas de nettoyer une ville de la corruption qui y règne. Mais chez McCoy, c’est un journaliste qui mène le bal… et les choses se terminent mal, je vous laisse le découvrir. On comprend aussi pourquoi le roman eut du mal à être publié aux Etats-Unis : McCoy fait preuve d’une réelle conscience des rapports de classe, ayant une vraie sympathie pour les représentants de la classe ouvrière. Il dut sentir le vent du boulet lors de la période Maccarthyste… Ce roman est en tout cas un pur bijou du genre.
Sylvain Bonnet
Horace McCoy, Un linceul n’a pas de poches, traduit de l’anglais par Sabine Berritz & Marcel Duhamel & révisée par Michael Belano, Gallimard « série noire », préface de Benoît Tadié, novembre 2024, 288 pages, 14 euros
