Gauloises, comédie policière noire et poétique
Ambiance noire et pure poésie graphique
Deux stars italiennes se rejoignent pour le meilleur et pour le magnifique Gauloises. Igort avec ses déjà mythiques Cahiers (russes, ukrainiens et japonais). Serio quant à lui n’est pas un illustrateur débutant puisqu’il navigue entre création d’affiche et de publicité, il présente ici sa troisième bd après le très poétique Rhapsodie en bleu.
Ils se rejoignent pour nous faire découvrir un scénario policier digne des meilleures comédies du genre des années 50 dans un sublime traitement graphique.
Un polar fifties italien
Il était arrivé à Milan seul, comme un chien, maintenant, il avait de l’argent. Des femmes. Il était immortel.
Ciro, le chapeau vissé sur la tête, la gauloise collée à ses lèvres, est un solitaire. Il retrouve Carmelina, prostituée de son état, après avoir suicidé sa mère par amour ou par compassion. C’est un tueur à gages, depuis son plus jeune âge. Il est méthodique et parait-il travailler plus par conviction que par goût du travail bien fait ? En tout cas il exécute !
Face à lui Aldo, la brute. Ancien boxeur qui par manque de talent se retrouve à la rue. Après de nombreux petits boulots le voilà avec une arme entre les mains pour accomplir la sale besogne.
Le dernier contrat de Ciro est Pupa, le talentueux ventriloque, pour lui un contrat comme un autre.
Le dernier duel
Aldo, trouve-moi ce fils de pute qui a refroidi Pupa et écorche-le-moi vif, lui avait dit le roi de la Mala.
Ces deux guerriers d’un autre temps vont devoir s’affronter. Qui sortira vainqueur de ce duel ?
Une bande dessinée que l’on ne se lasse pas d’ouvrir et de redécouvrir. Andrea Serio sublime le récit d’Igort et nous fait vibrer dans un Naples vaporeux où la brume de la Méditerranée se mêle à la fumée des Gauloises de Ciro.
Les dialogues sont strictement limités à une légende pour certaines cases, la narration imagée est parfaite et nous fait languir devant de si belles illustrations.
Gauloises est une bd qui donne envie d’ouvrir sa boite de crayon de couleur et de s’essayer sans jamais pouvoir égaler la maitrise si aboutie de Serio. A l’époque du tout digital, travailler cette matière qui parait si simple d’accès permet de montrer l’intensité que l’artiste peut obtenir. Et ils ne sont pas si nombreux à s’exercer de la sorte. On peut citer Gaétan Nocq avec Le Rapport W ou Les Grands cerfs chez Daniel Maghen, Nicolas Debon avec Marathon chez Dargaud ou encore Cy avec Radium Girls chez Glénat. En tout cas un matériau qui donne à ce medium un éclairage puissant, authentique et avec beaucoup de profondeur narrative.
Gauloises est une bd à mettre entre toutes les mains et les regards.
Xavier de la Verrie
Igort (scénario), Andrea Serio (dessin), Gauloises, Traduit (italien) par Hélène Dauniol-Remaud, Futuropolis, août 2022, 88 pages, 17 euros