Les cahiers Ukrainiens – Journal d’une invasion : Un récit-témoignage d’Igort

Le cri dessiné d’Igort

Le journal d’une invasion d’Igort a dû se décider dès les premières heures du conflit actuel. On imagine sa chaire meurtrit en découvrant à distance, la Russie qui attaque et s’acharne sur le territoire ukrainien, cher à son cœur et pays de son épouse. Voici son témoignage dessiné qui est aussi déchirant qu’une photo ou que tous les reportages que l’on découvre encore 1 an après l’invasion.

Journal de l’extérieur

Ses yeux saisissent les rares faisceaux de lumière des torches. Lumière qui la réconforte, la vie s’agrippe obstinément à la moindre chose.

Le 24 février 2022 signe l’arrivée d’une armée russe forte de 140.000 hommes sur le territoire d’Ukraine. Nous vivons jour après jour le conflit, l’avancée inexorable et sur plusieurs fronts à la fois des chars et de l’infanterie russes : est, nord, sud.

Telle une machine, elle avance devant cette terre qui n’est pas ou plus la sienne. Nous suivons cette tyrannie à travers ce que vivent les hommes, les femmes, qui n’imaginaient pas « attirer l’attention… Des gens qui vivaient une existence normale. »

Pour bien comprendre les origines du conflit un retour sur les assauts russes fait comprendre son approche. En 1990 elle écrase la Tchétchénie, en 2008 les Russes envahissent la Géorgie après s’être emparé de l’Abkhazie et de l’Ossétie.

le monde avait regardé. Et le Kremlin s’était installé.

Les habitants, certains fuient dès le début, d’autres s’accrochent à leur maison ou plutôt à leur cave, refuge modeste pour se protéger des obus qui s’écrasent autour d’eux. Comme ceux qui vivent à Marioupol, ville martyre qui peu à peu est étranglée par l’ogre russe. Ce dernier qui ne fait aucune distinction entre habitations privées et zones militaires. Un piège implacable et destructeur.

Un récit éprouvant

La fière machine militaire russe se montre à plusieurs reprises pour ce qu’elle est : une armée de fer blanc.

Achevé de dessiner le 10 septembre 2022, Igort était bien loin d’imaginer que son livre sortirait un an presque jour pour jour après le début du conflit. Il est évident qu’il doit continuer son manifeste. Son moyen à lui pour marquer l’histoire, montrer le vrai visage de l’Ukraine et des Ukrainiens qui souffrent.

les premiers jours sont comme un film au ralenti

Ce n’est ni une bande dessinée, ni un roman graphique, c’est plutôt un reportage graphique. Genre utilisé avec brio par Joe Sacco. Loin de l’envie de se comparer au maître, Igort a souhaité montrer avec beaucoup de force, l’humanité perdue d’un pays aux abois. L’écrit a autant d’importance que ses dessins, ils sont indissociables. Comme il l’avait fait pour les cahiers russes et le premier tome des cahiers ukrainiens, il nous montre qu’il connaît bien ces pays et leur histoire.

L’inspiration et la variété graphique changent fréquemment. Mais il s’agit presque toujours d’une construction cinématographique avec des cases en pleine largeur. Tout est montré sans filtres, les combats, les morts, l’inquiétude et la frayeur qui se lie sur les visages.

Ce Journal d’une invasion est a réserver aux adultes pour ne pas laisser plus de traces dans l’esprit des enfants qui en ont déjà assez avec les écrans.

Merci Igort pour ce témoignage, bravo pour cette puissance narrative où le dessin additionné de textes est une confession de votre maitrise pour mieux nous bouleverser.

Xavier de La Verrie

Igort, Journal d’une invasion, Futuropolis, février 2023, 168 pages, 22 euros

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