« Imperium », la sublime mini-série de chez Valiant
Peut-on construire envers et contre tous un monde idéal ? Avec Imperium, le scénariste Joshua Dysart livre un récit politique, riche et ambivalent. Avec Harbinger et Divinity, Imperium est le nouveau titre indispensable de l’éditeur Valiant.
Toyo Harada est un « psiotique », un être humain doté d’incroyables pouvoirs télépathiques et télékynésiques. Milliardaire et philanthrope, Harada s’est juré de sauver l’humanité d’elle-même. Et peu importe la manière. Évidemment, son objectif et ses méthodes agressives ont été condamnées par une grande partie des gouvernements.
Mais Harada n’est pas du genre à abandonner facilement. Il a réuni une nouvelle équipe de psiotiques puissants. Grâce à eux, il a pris possession d’un territoire sur la côte somalienne. Et il compte bien en faire un véritable paradis terrestre, où les pauvres pourront trouver refuge. Seulement, cette initiative n’est pas au goût de tout le monde. Le Projet Rising Spirit, une organisation secrète du gouvernement américain, va tout faire pour anéantir le travail d’Harada. Et dans le plus grand secret, des espions extra-terrestres infiltrés dans les deux camps (les « Vignes ») aimeraient profiter de la confusion pour organiser une invasion…
Plein feu sur Toyo Harada
On doit déjà au scénariste Joshua Dysart la splendide série Harbinger, relecture intelligente et vivifiante des X-Men du professeur Xavier de Marvel. Harbinger nous présentait aussi indirectement Toyo Harada, un personnage capital dans l’univers Valiant. Harada est un homme complexe et sans concession, prêt à tout pour construire l’utopie qu’il s’est fixé. Les univers Marvel et DC Comics ont chacun leurs grands méchants emblématiques. Toyo Harada fait (presque) figure de grand méchant. Imperium lui est intégralement consacré.
Anti-héros ou vilain ?
Difficile de résumer la richesse de cet album Imperium. Malin, Joshua Dysart prend le soin de poser ses enjeux, à travers par exemple un premier épisode qui présente la société utopique rêvée par Harada. De quoi laisser le lecteur s’interroger sur le rôle joué par Harada. Est-il un super-héros radical mais incompris ? Ou bien un super-vilain aux motivations humanistes ? Joshua Dysart ne répond jamais directement à la question. Au fil des événements (Joshua Dysart insufflant régulièrement des rebondissements), chacun se fera son avis.
Une richesse inhabituelle
Imperium raconte l’affrontement entre plusieurs groupes pour la réalisation ou la destruction d’une utopie. On assiste à une véritable guerre entre trois camps : la Fondation de psiotiques d’Harada, le Projet Rising Sun et les Vignes. Complots, retournements de situation et trahisons sont évidemment au programme. Joshua Dysart prend du recul, évite de focaliser sur deux ou trois personnages (le castinf est foisonnant) et raconte la naissance et le destin d’une jeune nation. Et c’est ce petit pas en arrière qui fait toute la saveur de ce titre. Un peu comme si on nous expliquait comment le Docteur Fatalis a pris et gardé le contrôle de la Latvérie.
Ajoutez à cela quelques idées très bien menées comme le robot Mech Major, le contre-champ ponctuel sur un des responsables du Projet Rising Spirit, ou bien encore le surprenant passage avec Divinity. Joshua Dysart sème quelques intrigues comme la possession d’Angela Peace Baingana par une créature extra-dimensionnelle. Nul doute qu’on la retrouvera dans une intrigue à venir. Autant dire qu’on sera fidèle au rendez-vous.
Stéphane Le Troëdec
Joshua Dysart (scénario), Doug Braithwaite, Scott Eaton, Cafu, Khari Evans (dessin), Imperium, traduit de l’anglais par Matthieu Auverdin, Bliss Comics, octobre 2017, 440 pages, 35,00 euros