Recoudre la nuit au jour, amoureuse poésie

L’éditeur qualifie ce recueil d’« amoureuse ballade poétique ». En effet tel semble être son propos si l’on en croit ces vers :

Quelle est cette force

obscure lumineuse

qui prend forme

dans l’amour ? 

L’ensemble des poèmes sont bien frappés, ils ont la densité des haïkus : pas de bavardage, on va immédiatement à l’essentiel ! Ce qui nous vaut une multitude de formules d’une belle densité que j’aimerais toutes citer, mais il faut en laisser la primeur au lecteur ! Parmi celles qui m’ont retenu :

Lorsque tu apparais

ce qui pesait s’envole 

Jacqueline Persini a l’art de tout dire avec rien, juste quelques mots qui nous lancent là où l’on ne parle plus, dans la joie.

Et aussi :

Que trames-tu

entre tes doigts

habiles à appeler

la marée haute

… et voilà que nous sommes emportés, nous aussi, par la vague du désir…

Ou bien :

Nos nuques en sueur

débordent le temps

et la nuit

Dans ce débordement voilà que nous sommes ailleurs que dans notre corps, comme si l’effusion amoureuse était un rite chamanique qui nous projetait dans un autre espace.

Ou encore :

Notre besoin de naître

repousse l’ouragan

un îlot apparaît

Car il s’agit bien à chaque fois d’une nouvelle naissance, de la découverte d’une nouvelle terre, d’un nouveau corps, d’une nouvelle chair à toujours redécouvrir. Aujourd’hui dans l’urgence car Il reste peu de temps…  quand l’âge vient,

Mais insolente la verdeur

pousse un cri

Encore !

Je suis toujours reconnaissant aux femmes poètes qui quittent la pruderie dite féminine pour ouvrir pour nous le soi-disant continent noir. Qui nous donnent à savourer le désir féminin. Merci Jacqueline !

Elle définit ainsi son art poétique :

Jouir de l’art

du commencement

… qui semble être également un art érotique. Un commencement comme ouverture, comme propulsion vers un ailleurs dont les mots ne peuvent pas rendre compte

Vincent Rougier, l’éditeur, a habillé ces poèmes d’un papier aussi doux qu’une peau sous les doigts. Il a accompagné chaque texte d’un petit battement de son crayon, un graffiti ému, et ficelé l’ensemble dans son petit écrin de bristol, comme à son habitude. Tel est le 161ème Pli urgent de cette belle collection, typique d’un arte povera !

Mathias Lair

Jacqueline Persini, Recoudre la nuit au jour, Rougier V éd., collection Ficelle & Plis urgents n°161, mai 2025, 40 pages, 13 euros

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