La guerre au Moyen-âge de Jean Lopez

Avec ce nouveau volume, Jean Lopez poursuit son entreprise : démonter les idées reçues sur l’histoire militaire et il y arrive très bien dans ce magnifique volume. La Guerre au Moyen-âge s’inscrit dans la lignée de ses grandes synthèses collectives : un ouvrage qui cherche moins à raconter des exploits qu’à comprendre des mécanismes. Ici, le Moyen Age apparait pour ce qu’il fut : mobile, inventif et beaucoup plus structuré qu’on ne longtemps dit.

Un collectif solide

Des spécialistes se sont réunis pour écrire cet ouvrage. On retrouve ainsi Nicolas Chevassus – au – Louis impeccable comme toujours lorsqu’il s’agit d’armement et d’innovation. Nous trouvons également un fin connaisseur de la chevalerie et de ses codes : Martin Aurell, récemment décédé. Michel Balard est également de la bataille : indispensable pour la Méditerranée et les croisades ainsi que Bruno Dumézil clair et précis sur les royaumes barbares. Nous trouvons également David Nicolle qui offre des respirations comparatives sur l’Orient médiéval. Et en arrière-plan, nous retrouvons bien entendu l’ombre tutélaire de Philippe Contamine dont les travaux irriguent nombre de chapitres.

En bon stratège militaire, Jean Lopez sait orchestrer ces voix. Le résultat est homogène, rythmé et lisible.

Oubliez les clichés

À la lecture de cet ouvrage, on voit que les différents contributeurs démontent les stéréotypes notamment que les guerres au Moyen Age sont des guerres prétendument chaotiques ; que les chevaliers sont solitaires et réactionnaires. Les armées sont mal organisées et nous sommes dans un monde militaire figé. Que nenni. Bien au contraire, la période est incroyablement réactive, précise dans ses choix tactiques et soucieuse d’organisation et de logistique. Ainsi, le livre montre comment l’Occident médiéval, Byzance, les Califats, les royaumes scandinaves ou les principautés chrétiennes s’observent, s’imitent et se transforment.

Le chevalier mais pas seulement

Grâce à Martin Aurell et aux contributions plus sociales du volume, la figure chevaleresque retrouve son ancrage réel : un guerrier entrainé dans un réseau féodal loin des icônes romantiques. Le collectif d’auteurs de cet ouvrage insiste également sur les autres acteurs de la guerre : archers, fantassins, arbalétriers, mercenaires, milices urbaines. Le Moyen Age, ici, n’est plus l’apanage d’une élite mais un système guerrier complet.

Les forces qui structurent la guerre

Dans ce volume, une idée revient sans cesse. La guerre médiévale ne s’explore qu’en relation avec la société et, pour démontrer cela, le livre explore l’économie féodale et ses obligations militaires, le rôle croissant des villes, la montée des armées territoriales surtout aux XIVe et XVe siècles, les innovations de rupture avec les trébuchets, les arbalètes et l’arc long ainsi que l’impact de l’Eglise sur la régulation de la violence.

Chaque chapitre s’articule donc sur la stratégie et les structures sociales. Et cela fonctionne très bien.

Une vision globale

L’un des mérites de ce volume est d’élargir le regard du lecteur. Les croisades dialoguent avec les stratégies byzantines, les innovations occidentales avec celles des califats, les vikings avec les milices urbaines italiennes.

La guerre médiévale devient donc un espace d’échanges techniques, de transferts culturels et de circulations militaires.

On est donc loin de la lecture franco-centrée habituelle.

Un livre utile

Cartes claires iconographies propres, bibliographies solides : un très beau volume donc mais pour moi l’intérêt est ailleurs. Ce livre explique, range et priorise les grands aspects de la guerre au Moyen Age. Les auteurs savent faire court, juste et précis. On referme le livre non pas avec une succession de batailles en tête mais avec une meilleure compréhension d’un Moyen Age « guerrier » plus complexe, plus rationnel et plus moderne qu’on le pensait.  

Au final, il s’agit d’un ouvrage clair, utile, brillant et toujours pédagogique. L’objectif est avant tout la compréhension. Pour quiconque s’intéresse à la guerre, au Moyen Age ou tout simplement aux ressorts des sociétés pré-modernes, c’est un volume à lire et probablement l’une des meilleures entrées dans la matière aujourd’hui.

Franck Dupire

Jean Lopez (sous la direction de), La guerre au Moyen-âge, Perrin & Guerres et histoire, novembre 2015, 443 pages, 35 euros.

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