Dardanus de Jean-Robert Pitte, une âme forte au crépuscule de l’Empire romain
Jean-Robert Pitte est bien connu pour ses ouvrages de géographe, et pour son amour de la gastronomie et du vin. Les nombreux prix littéraires qu’il a reçus récompensent un esprit éclectique et brillant, qui sait parler de la Mauritanie comme de la Bourgogne, du Japon comme de la Sorbonne. Dardanus est son premier roman, et surtout son premier livre consacré à l’histoire ancienne, celle de l’antiquité romaine.
préfet du prétoire des Gaules
Dardanus fut, au quatrième siècle après Jésus-Christ, préfet du prétoire des Gaules, nommé à ce poste par l’empereur Théodose. A cette époque, l’empire romain est secoué de toutes parts, les Wisigoths d’Alaric saccagent Rome, et depuis Constantin, la religion chrétienne est devenue la religion officielle, ce qui explique que Dardanus eut de fréquents échanges épistolaires avec ses contemporains Saint Augustin et Saint Jérôme.
Mais c’est dans la petite abbaye de l’abbé Honorat, dans les iles de Lérins, que Dardanus rencontra Dieu, et se convertit par amour pour sa femme et ses enfants, déjà baptisés. Il prit ensuite sa retraite dans un petit village de Haute Provence, devenu Saint Geniez, où il bâtit une cité chrétienne, Théopolis, sur le modèle de la Cité de Dieu de son cher Saint Augustin. C’est là qu’il vécut jusqu’à sa mort en 423.
Jean-Robert Pitte raconte cette vie à la première personne, ce qui revient à écrire les mémoires de Dardanus sur un mode assez vivant, et avec accents de sincérité appréciables. Cela n’exclut pas de belles envolées littéraires et une collection de passés simples : « Nous reprîmes le cours de la Saône » ou « Nous franchîmes la Moselle », ce qui ajoute quelque solennité au récit. On trouvera aussi un très intéressant portrait d’Ausone, que Dardanus connut en Gaule et qui fut son ami.
un épicurien
Quoiqu’il fût attiré par la religion dans sa maturité, Dardanus fut d’abord un bon vivant, collectionnant les amours avec une ardeur toute païenne, amateur de bons vins et de bonnes recettes. Cela donne un relief plus humain à celui que l’auteur appelle « Une âme forte au crépuscule de l’empire romain ».
A la charnière de deux mondes qui voient s’effondrer un empire et naitre une église, Jean-Robert Pitte a trouvé un bon moyen, grâce à l’attachante figure de Dardanus et au roman de sa vie, de faire revivre une époque passionnante et troublée, peu enseignée et souvent mal connue.
Didier Ters
Jean-Robert Pitte, Dardanus, Calmann Lévy, juin 2021, 240 pages, 18,50 eur