Châteaux de sable, un rêve de Louis XVI

Quand on s’appelle Louis-Henri de La Rochefoucauld, on a forcément partie liée avec l’Histoire de France. Le fait de porter deux prénoms de rois installe déjà le bonhomme dans une continuité difficile à évincer. C’est celle d’une des plus grandes familles nobles de France, gens de lettres, de robe, d’église et d’épée, famille qui a perdu 14 de ses membres en 1793 sous la guillotine de la Terreur, sans compter la branche protestante égorgée par la Saint Barthélémy ! Bref, toute maxime mise à part, La Rochefoucauld rime un peu avec échafaud.

Illustre rejeton d’une si haute lignée, notre Louis-Henri revit le XVIIIe siècle sanglant dans son dernier livre Châteaux de sable. Titre joliment évocateur pour dire que, faute de bastille à défendre, la famille peut encore donner à rêver. Lui le fait avec humour, n’oubliant pas au passage un ancêtre redevenu plébéien, au point de se faire appeler Delaroche tout court ; ou cet autre qui, pour être duc, n’en était pas moins pilier de bistrot, et fut surnommé Bar le Duc !

Dans Châteaux de sable, roman fortement teinté d’autobiographie, l’auteur imagine qu’il rencontre un personnage singulier, qui se prend pour Louis XVI ! Nous sommes en 2020, et cette réincarnation ne manque pas de sel. Jeune père de famille en butte aux tracasseries du XIXe siècle, Louis-Henri revit les tourments de la Révolution Française, avec ses malheurs, que le nouveau roi lui décrit avec dignité, et que Marie Antoinette subit dans les larmes. 

deux siècles en même temps

A leurs côtés, revivent aussi La Fayette, Malesherbes, Jefferson, Térésa Cabarrus, Fersen, Tallien et quelques autres personnages historiques, dont l’auteur brosse un portrait convaincant. Tout cela au moment où les Gilets Jaunes cognent à la masse contre l’Arc de Triomphe, pour le plus grand plaisir de Louis-Henri ravi de voir bientôt détruit ce monument honteux, élevé à la gloire de l’usurpateur Napoléon. Voilà pour l’essentiel de ce livre qui raconte deux siècles en même temps, à la fois ce qui fut, et ce qui est, ce qui pose inévitablement la question de leurs différences, à seulement 230 ans d’écart. L’exercice s’avère attrayant, et l’esprit de l’écrivain ajoute du piquant. 

Ce qui en soustrait, en revanche, ce sont les chapitres médiocres, où apparaissent des figures d’aujourd’hui, Macron, Arielle Dombasle, Castaner (que viennent-ils faire ici ?), traités avec une férocité haineuse et insultante, qui enlève au livre une partie du charme que le ton joyeux de l’auteur avait installé. C’est surtout dommage pour lui. A cela près, on ne saurait nier que Châteaux de sable est original. 

Didier Ters

Louis-Henri de La Rochefoucauld, Châteaux de sable, Robert Laffont, 240 pages, août 2021, 19 eur

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