Une femme de ménage, Léon façon Jérémy Bouquin

Jérémy Bouquin est connu pour la manière percutante avec laquelle il attrape ses lecteurs pour les plonger dans des histoires plus sombres les unes que les autres, mais toujours en gardant en ligne de mire l’humanité de ses personnages. Avec Une femme de ménage, publié précédemment chez les désastreuses éditions French Pulp, et réédité chez Eaux Troubles au format poche, il poursuit son exploration de la noirceur.

Un petit bout de femme

Sandra est une petite femme charmante, qui attire l’œil par ses formes, mais sa vie est plutôt triste. Déchéance sociale, financière, familiale. Elle n’est plus rien. Sans argent, sans ami, sans amour. Elle vie dans une vieille longère isolée dans la campagne dont seules deux pièces ont été rendu habitables. Sans amour ? Il y a ses rendez-vous du mardi, le boulanger du village, marié, qui vient lui faire l’amour mal et trop vite, mais elle aime sa peau qui sent la farine, sa gentillesse. Sans ami ?

Il y a Greg, avocat de son état, dont la clientèle est faite de criminels en tout genre. Pas vraiment son ami, mais le seul lien qu’elle entretienne avec le monde extérieur. Et grâce à qui elle va gagner de l’argent, parce qu’il y a quelque chose qu’elle fait mieux que personne : nettoyer une scène de crime.

Un beau métier

Nettoyeur de scène de crime est un vrai métier. Il exige minutie, technique, de bons outils, de bons produits, un savoir-faire. Mais il est exercé dans le cadre d’activités légales, en lien étroit avec la Justice. Pas pour Sandra, qui n’intervient que pour Greg et ses clients. Le même métier, mais avec une exigence de rapidité et de discrétion…

Le lecteur va suivre Sandra et la voir évoluer, revivre pour ainsi dire au rythme des clients découpés, mis dans des sacs, broyés, rincés à l’acide… Mais, bien sûr, ces clients ne sont pas sans poser quelques problèmes. Il faut être corvéable, mais ce n’est pas le plus difficile. Il faut être attentif à ne pas laisser la moindre trace, mais ce n’est pas le plus difficile. Il faut faire attention à ses propres clients, car évoluer dans un milieu si violent n’est pas sans conséquences. Surtout quand un dernier client, qui réoriente le sens même du roman, vient troubler la vie bien rangée de cette petite femme de ménage.

Jérémy Bouquin prouve, avec Une femme de ménage, qu’il maîtrise comme nul autre une manière particulière de transformer les petites gens en grands héros. Les petits faits en grandes aventures. Et ce qui pourrait être considéré comme de la littérature de gare en une littérature noire, très noire, et son écriture si précise porte ce noir très haut.

Loïc Di Stefano

Jérémy Bouquin, Une femme de ménage, Trilogie des Errants tome 1, Eaux troubles, août 2023, 212 pages, 9 euros

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