Week-end entre amis, Nathalie Achard et le huis-clos angoissant

Après une carrière comme chargée de communication chez Greenpeace, directrice de campagne de SOSMEDITERRANEE et directrice de la communication du Mouvement Colibris, Nathalie Achard a fait une entrée dans le petit monde des autrices parfaitement angoissantes avec Week-end entre amis. J’ai lu l’a repris en poche, pour le plus grand désarroi de tout ceux qui pensent connaître, voire aimer, leurs amis… (1) Ce roman, qui n’en est peut-être pas tout à fait un, touche particulièrement quand on sait que l’autrice fait de la non-violence son coeur d’âme et de métier.

Une comédie à la française

Comme beaucoup (trop) de comédie à la française, de vieux amis se retrouvent pour un week-end à la campagne. Ils se connaissent depuis leurs études, pour les trois garçons, et plus récemment pour les épouses. Six bambochards prêts à écluser la cave, se gaver, oublier les enfants et les soucis le temps d’une pause salutaire et redresser autant que possible. Un temps pour soi, pour le groupe, pour les amis.

Comme beaucoup de comédie française, il va y avoir des flottements, des grincements, mais rien ne finira bien. Ces retrouvailles vont être d’abord l’occasion de se confronter à l’image que les autres ont de soi, et ce n’est guère élogieux. Côté hommes, on retrouve les deux mâles dominants qui se bagarrent depuis des années pour savoir qui sera le Capitaine, le troisième effacé qui ne fait corps que pour être le juge arbitre veule de cette querelle d’égo. Côté femmes, ce n’est guère plus joyeux : l’ancienne petite copine de l’un devenue femme de l’autre, la mère au foyer alcoolique, la dépressive… Et les relations troubles entre adultes consentants…

Et bien vite ce moment de paix tourne au concours d’invectives et de vérités. La présence inopinée d’un tiers incongru et imprévu vient temporiser, contenir les rancœurs pour une fois encore donne une bonne image. Assez, en tout cas, pour que la pression monte, monte, jusqu’à l’implosion que plus rien ne peut empêcher.

L’enfer, c’est les autres

On a ce qu’on mérite, à jouer les bons petits bourgeois larges d’esprit… Et cette comédie de la bande de potes qui tentent de rejouer les meilleurs moments de leur amitié flétrie comme la peau de nos gueules de quinqua sur le retour ! Dans cette baraque pourrie… Quel cauchemar !

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un roman policier, mais plutôt d’un roman noir, à la manière d’une Sandrine Collette ou d’une Magali Collet. Une ambiance qui petit à petit se fait plus oppressante. Des relations entres amis qui varient puis dégénèrent. Une petite plaisanterie qui tourne mal. Délocaliser les personnages (des citadins à la campagne), couper les repères (pas de réseaux), les alcooliser, et la vérité des cœurs ne pourra pas être longtemps contenue… Ainsi se dessine une belle étude de mœurs, de violence quasi intra-familiale, de petites haines accumulées. Certains y reconnaîtront un des leurs, voire eux-mêmes dans un douloureux exercice de lucidité, mais aucun lecteur ne restera insensible à la machination infernale qui s’est mise en branle dès qu’ils se sont tous retrouvés pour un long week-end festif entre amis…

Si la vérité d’une relation était à ce prix, voudriez-vous le payer, au risque de ne plus reconnaître, ni aimer, vos amis les plus proches ? Au risque de les voir tels qu’ils sont et, peut-être, tels que vous avez toujours su qu’ils étaient ? Oserez-vous risquer tout ce que vous croyez savoir d’eux et lire ce délicieux poison qu’est Week-end entre amis ?

Loic Di Stefano

Nathalie Achard, Week-end entre amis, J’ai lu, mars 2023, 224 pages, 8 euros

(1) Oui, je le sais mon cher Fal, ami et amour ont la même racine étymologique…

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