Amérique années Trump, un moment incroyable

Les élections américaines, quelle passion !

On ne compte plus les livres qui sortent sur les élections présidentielles américaines ! A côté de biographies du challenger, Joe Biden, qui s’étalent sur les étagères, sortent des essais donnant un point de vue sur les quatre années qui viennent de s’écouler. Gilles Paris, correspondant du Monde à Washington depuis 2014, et Jérôme Cartillier, correspondant de l’AFP, publient chez Gallimard Amérique années Trump, chronique du mandat Trump et de ses conséquences sur les États-Unis.  

Il n’est pas là par hasard

Les (quelques) fans français de Trump seront ravis par le début de ce livre qui démontre qu’il n’a pas été élu par hasard. L’homme d’affaires est une célébrité depuis les années 80 et avait plusieurs fois parlé d’éventuelles ambitions politiques. Son passage par la téléréalité via le show The Apprentice a révélé en lui un animal médiatique, un showman très à l’aise face aux caméras et sachant avec un instinct rare sentir les frustrations de l’opinion.

Pourtant, ce n’est pas un néo-conservateur et il s’oriente tardivement vers le parti républicain dans les années 2010. Saluons sa campagne de 2016 car il a réussi à imposer un ton, un discours et des slogans face à des adversaires vite dépassés. Remarquons aussi qu’il a été élu grâce au vote des grands électeurs tandis qu’Hilary Clinton remportait la majorité du suffrage populaire, une blessure pour lui…

Trump a en tout cas senti et instrumentalisé la peur de l’électorat blanc, masculin, impacté par la désindustrialisation et la mondialisation, bientôt en passe de devenir minoritaire d’ici trente ans : là est son point fort.

Une présidence chaotique

Avec ce livre, on comprend aussi que Trump n’était pas préparé pour se retrouver dans le marigot de Washington. Il a du mal à constituer un cabinet, change plusieurs fois les titulaires des secrétariats d’état où de la défense. Comme le raconte ce livre, son usage du tweet est un des signes qui le rend incontrôlable. Notons aussi son retard à nommer des personnalités sur postes cruciaux (sauf la cour suprême). Sur la Corée du Nord, il passe de la menace belliqueuse à une approche amicale après sa rencontre après le dirigeant adverse. Mais rien de sort de leurs discussions, la Corée du Nord reste un état nucléarisé et surtout hors de tout contrôle international (le récit du franchissement de la ligne démilitarisée est un des clous du livre).

Trump s’en moque. Il préfère concentrer son attention sur l’Iran, sort de l’accord international négocié par Obama et fait assassiner Qassem Soleimani, général iranien au début de l’année. Aucun regret tant l’homme avait du sang sur les mains mais c’est signe de plus de est l’unilatéralisme de Trump.

Un président jacksonien

Les auteurs remarquent dans leur ouvrage que Trump est un président au final « jacksonien », en référence à Andrew Jackson, dirigeant brutal, patriote, unilatéral et populiste selon les historiens. La remarque me paraît pertinente. La présidence Trump est un signe de plus de l’éloignement de l’Amérique et de l’Europe (il serait temps que le continent assume sa sécurité). Trump réclame que les alliés prennent à leur charge le coût de l’OTAN. En même temps il revendique sa liberté de faire ce qu’il juge bon pour l’Amérique et s’affranchit des contraintes imposées par les alliances et le droit international.

Soyons provocateurs : ce n’est pas si mal vis-à-vis des relations avec la Chine, pays qui n’applique pas le droit de la propriété intellectuelle et dont le rôle dans la propagation du COVID reste à étudier.

Quel bilan ?

Trump n’a en tout cas pas réussi à rapatrier des emplois industriels en Amérique. Il a renégocié des traités de commerce, y compris l’ALENA. Il a débuté un bras de fer avec la Chine dont dépend beaucoup de choses pour l’avenir. Il a cependant raté sa gestion de l’épidémie de COVID qui a plongé le pays (alors en pleine croissance économique, aidée par la politique monétaire très accommodante de la FED) dans la récession. Ignare en sciences, Trump est apparu hésitant, enchaînant les faux pas, accélérant le déconfinement alors qu’il aurait fallu le prolonger. C’est peut-être le seul atout de Biden, candidat démocrate par défaut. Sans compter son attitude face à la question raciale (sic) et au mouvement Black Lives Matters suite à la mort de George Floyd. Si on suit les auteurs, Trump, soyons honnêtes, ne s’est jamais montré très sensible à la question afro-américaine… ils ont raison.

Voici un livre passionnant. Résultat des élections en novembre.  

Sylvain Bonnet

Jérôme Cartillier et Gilles Paris, Amérique années Trump, Gallimard, « Esprits du monde », septembre 2020, 400 pages, 23 eur

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