Toutes les saveurs, la mythologie chinoise à la conquête de l’ouest
Un auteur reconnu
Écrivain américain né en Chine, lauréat des prix Nebula et Hugo de la meilleure nouvelle courte, Ken Liu s’est fait connaître du public francophone avec des novellas comme L’Homme qui mit à l’histoire (Le Bélial, 2016), deux recueils de nouvelles assez réussis, La Ménagerie de papier (Le Bélial, 2015) et Jardin de poussière (Le Bélial, 2019) et enfin un cycle de fantasy plutôt indigeste (nul n’est parfait) inauguré par La grâce des rois (Fleuve éditions, 2018). Les éditions du Bélial publient ces jours-ci Toutes les saveurs dans leur collection Une heure lumière.
Les rêves d’une jeune fille
Ces chinois, c’étaient des gens mystérieux. En premier lieu, elle se demandait comment ils tenaient dans ces boîtes d’allumettes. À vingt-sept, ils en habitaient cinq sur Placer Street, deux louées à Jack Seaver et trois achetées à M. Kenan — sa banque ayant brûlé, il ramenait sa famille dans l’Est. Toutes simples, elles comportaient une cuisine-salle à manger en façade, une chambre derrière. Ces petites maisons de neuf mètres de large sur quatre de profondeur en planches fines s’alignaient en rang si serré que leurs porches formaient un trottoir couvert.
La ruée vers l’or a amené de nombreux travailleurs chinois à travailler dans les mines de l’Idaho. Ils vivent entre eux, suscitant l’hostilité des habitants du cru mais pas de la jeune Lily qui adore l’odeur de leur cuisine. Elle aime traîner avec eux, les écouter. Il y a en un particulièrement qui la fascine. Il s’agit d’un géant au visage rouge, Lao Guan, qu’elle appelle Logan. Il lui raconte les légendes de son pays, dont celle de Guan Yu, le dieu de la guerre. Lily finit par se demander si Logan ne serait pas Guan Yu…
Une histoire touchante
Toutes les saveurs fonctionne grâce à la subtilité de son intrigue : c’est petit à petit que le doute s’installe vis-à-vis de Logan. Et puis c’est aussi l’occasion de revenir sur une page peu connue de l’histoire américaine et du racisme anti-chinois, endémique lors de la conquête de l’ouest. Le regard posé par la jeune Lily sur ces mineurs chinois est d’ailleurs touchant, elle les voit comme ses égaux, elle est curieuse d’eux, tranchant sur les préjugés de sa communauté (qui évolue cependant).
A lire.
Sylvain Bonnet
Ken Liu, Toutes les saveurs, traduit par Pierre-Paul Durastanti, Le Bélial, « Une heure lumière », illustration de couverture d’Aurélien Police, mai 2021 pages, 9,90 eur