Une histoire érotique de l’Élysée, lieu de pouvoir et de plaisir

Historien de la République

De Jean Garrigues, l’amateur d’histoire a forcément lu Les Hommes providentiels (Seuil, 2012) ou Les Scandales de la République (Nouveau monde éditions, 2013). Il s’est aussi fait remarquer par son soutien en 2017 à la candidature d’Emmanuel Macron, invoquant l’intérêt du candidat pour la recherche et l’université : on peine à voir la concrétisation de ces belles intentions depuis mai 2017. Cela n’enlève rien à l’intérêt des ouvrages de notre historien, grand connaisseur de la culture politique française et de ses paradoxes. En début d’année, il a sorti chez Perrin La République incarnée où il revient sur la notion d’incarnation républicaine qui a trouvé dans la Ve République une destinée glorieuse. Avec Une histoire érotique de l’Élysée, Jean Garrigues semble se tourner vers la gaudriole et les plaisirs d’alcôve de nos grands hommes… Mais pas seulement.

Le palais des amours et des souvenirs

On découvre que l’Élysée fut un hôtel construit par un courtisan médiocre, le comte d’Évreux, neveu de Turenne, grâce à la dot de sa femme qui n’était autre que la fille du financier Antoine Crozat. Ce fut un mariage malheureux et le palais finit par revenir à Louis XV qui le donne à son égérie, la fameuse Pompadour, qui ne l’habite guère. Mais l’Élysée a une réputation libertine attisée par la réputation de sa nouvelle propriétaire, la duchesse de Bourbon. Bel héritage pour les révolutionnaires !

C’est ensuite Murat et son épouse Caroline Bonaparte qui l’occupent, un bien curieux attelage comme le raconte Jean Garrigues : Caroline fut en effet la maîtresse de Metternich, futur homme fort de l’Autriche. C’est aussi là que résident durant les cent jours Napoléon et sa belle-fille Hortense accompagnée de ses enfants : le futur Napoléon III récupère non sans nostalgie les lieux après son élection en décembre 1848.

La République dans ses murs

Ensuite Jean Garrigues se livre à une histoire des grands républicains et de leurs histoires d’amour, parfois loin de l’Élysée : par exemple Gambetta ou Clemenceau. Il raconte aussi comment des hommes comme Gaston Doumergue ont réussi à investir une fonction dépréciée tout en se mariant à l’Élysée. Quant aux présidents du conseil de la IIIe, ils passent des danseuses aux égéries, pas forcément en bien si on pense à l’influence d’Hélène de Portes sur Paul Reynaud en mai-juin 1940…

La Ve voit Charles de Gaulle occuper les lieux (il préférait Vincennes) et se comporter comme un vrai modèle de vertu comme son successeur Georges Pompidou. VGE, Mitterrand et Chirac rendront à l’hôtel/palais sa réputation de plaisir… Quant à la nouvelle génération, elle frappe par son inexistence. L’Élysée est devenu en tout cas un lieu de pouvoir, pour le meilleur et pour le pire, tout en demeurant un havre de plaisir.

On regrettera juste une erreur factuelle : Michèle Barzach, une des nombreuses maîtresses de Jacques Chirac, fut ministre durant la 1re cohabitation (1986-88) et non lors du 1er gouvernement Juppé de mai 1995. Cela n’enlève rien à la valeur de l’ouvrage.

Sylvain Bonnet

Jean Garrigues, Une histoire érotique de l’Élysée, Payot, octobre 2019, 256 pages, 18,90 eur

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