« La Cité disparue », John Wayne et Sophia Loren en quête d’une cité légendaire

L’éditeur vidéo ESC continue sa belle série Hollywood Legends avec un film d’aventures méconnu et atypique : La Cité disparue, réalisé en 1957 par Henry Hathaway. Au menu : le charisme de John Wayne, le charme de Sophia Loren, la quête d’une cité légendaire dans le Sahara et la folie des hommes…

 

Atypique, ai-je dit ? Que peut-il y avoir d’atypique dans un récit d’aventures au Sahara, où des explorateurs partent en quête d’une cité mythique ? N’a-t-on pas déjà vu cela cent fois, depuis L’Atlantide de Pierre Benoit ? A priori oui, et c’est la raison pour laquelle, à cause de cette fausse apparence conventionnelle, surannée et pour tout dire « coloniale », le film a été injustement oublié.

 

Etrangeté 

Mais La Cité disparue est en réalité un film étrange qu’il faut redécouvrir. Première raison : juste avant sa cristallisation en icône éternelle dans Rio Bravo, John Wayne y apparait presque comme un raté, ivrogne cynique stagnant au début dans une prison de Tombouctou, bien loin de l’humanisme de son acolyte Rossano Brazzi (1). Bref, Wayne fait son Bogart et ça mérite le coup d’œil ! 

Deuxième raison : le récit, réduit volontairement à l’essentiel (deux hommes, une femme, le désert), dégage un sentiment, plutôt rare dans une production hollywoodienne de l’âge d’or, de solitude métaphysique. Sentiment accentué par les cadrages épurés d’Hathaway et par la photographie d’une netteté quasi surréaliste du grand Jack Cardiff, imagerie suraiguë proche de certaines peintures de Dali, faisant du désert et des ruines un espace inhumain. Un espace qui dégage bien plus que de l’hostilité à l’égard de notre espèce : une indifférence totale. L’indifférence du cosmos. En cela, le film annonce, et osons-le dire égale, la photographie sublime de David Lean et de Freddie Young sur Lawrence d’Arabie, cinq ans plus tard.

 

 

Fin du monde

A partir du moment où le voyage commence, Hathaway semble filmer son histoire comme si la fin du monde avait eu lieu (mais, après tout, n’a-t-elle pas déjà eu lieu pour la civilisation antique, tristement engloutie par les sables ?), et que ces trois êtres étaient les derniers sur la Terre, si ce n’était la présence de Touaregs filmés toujours à distance par le réalisateur, comme des êtres irréels, observateurs en provenance d’un autre monde. D’ailleurs, à l’image de son travail avec Bernard Herrmann sur Le Jardin du Diable (western de 1954 à la thématique très proche), Hathaway a demandé au grand compositeur italien Angelo Lavagnino une musique minimaliste, rejetant toute pompe hollywoodienne pour se faire mystérieuse, insidieuse, se confondant de manière envoûtante avec le souffle du vent. Par leur travail en commun, Lavagnino, Cardiff et Hathaway confèrent habilement une dimension fantastique au récit.

 

 

Vertige

Délire d’interprétation ? Ce serait oublier cette scène troublante où, au cœur de la cité en ruines, Wayne, Brazzi et Loren découvrent les squelettes des trois précédents explorateurs : deux hommes et une femme, comme eux. Et, comme eux, victimes d’une rivalité sexuelle… Semble alors s’ouvrir dans le récit une angoissante boucle temporelle, comme si nos protagonistes se regardaient eux-mêmes, gisant dans la poussière. Une image saisissante de leur futur… 

Mais, après tout, Hathaway n’est-il pas le metteur en scène de Peter Ibbetson (1935), son film préféré parmi tous ceux qu’il a réalisés, où le Temps était nié de semblable manière par deux amants, après le meurtre du conjoint encombrant ?

 

Claude Monnier  

(1) Un humanisme qu’il faut relativiser car, comme le dit notre collègue Frédéric Albert Lévy dans le bonus accompagnant le film, le film est placé sous le signe du double, du dieu à deux faces Janus (le personnage de Wayne a pour nom January/Janvier qui est, nous le rappelle FAL, le mois de Janus dans le calendrier romain) ; si bien que le salaud n’est pas celui qu’on croit. Ou plus précisément : il y a une part de salaud en chacun de nous. 

DVD/Blu-ray La Cité disparue (Legend of the Lost, 1957) de Henry Hathaway, avec John Wayne, Sophia Loren, Rossano Brazzi. Editeur : ESC, collection Hollywood Legends. Durée : 108 min. Format : 2.35. Suppléments : Cet obscur objet du désert, entretien avec Frédéric Albert Lévy (42 min), bande-annonce originale du film. 

Remerciements à Frédéric Albert Lévy et aux éditions ESC

 

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