La dénazification des fonctionnaires en Allemagne de l’ouest

Une spécialiste des élites administratives allemandes

Historienne de l’Allemagne contemporaine, spécialiste de l’histoire politique et administrative allemande et professeure à l’université de Franche-Comté, Marie-Bénédicte Vincent est l’auteure de plusieurs ouvrages : citons Serviteurs de l’Etat (Belin, 2006) et Une nouvelle histoire de l’Allemagne (Perrin, 2020). Dans la lignée du premier ouvrage cité, elle a publié au CNRS en début d’année une étude sur la dénazification des fonctionnaires du IIIe Reich : et qu’en ressort-il ?

Un phénomène méconnu et largement incompris

La RFA a souvent été accusée (par la RDA en particulier) d’avoir « lavé » et recyclé le personnel administratif du IIIe Reich, souvent issu de la République de Weimar. L’article 131 de la loi fondamentale leur garantissait, après tout, leurs droits acquis. Cette législation généreuse ne signifie pas dire qu’il n’y a pas eu étude des cas et épuration. En fait, selon Marie-Bénédicte Vincent, il y a eu à la fois épuration et « désépuration », la première ayant souvent été menée par les alliés. Ces « 131er » ont bénéficié dans une large mesure du soutien de l’opinion, considérant que la population allemande avait aussi été victime du nazisme (sic), et de la nécessité d’administrer le pays. Toute une gamme de positions administratives a été ainsi appliqué aux « 131er », qui ont aussi bénéficié du contexte de guerre froide et de la méconnaissance de certains crimes. L’historiographie a depuis progressé.

Changement de génération

Cela change progressivement au cours des années 60, suite au procès d’Eichmann (qui permet d’appréhender ce que fut le criminel de bureau) et des procès de Francfort. L’image des « 131er » se ternit, surtout vis-à-vis des jeunes générations nées pendant ou après la guerre : ils exigent des comptes de leurs aînés. La politique très généreuse de l’Etat cesse à leur égard après la chute de Willy Brandt : la crise économique y est pour beaucoup. La lecture de l’ouvrage confirme en tout que la dénazification fut incomplète mais qu’elle a eu lieu : les anciens de la Waffen SS ne purent par exemple jamais obtenir la pension d’un soldat de la Wehrmacht (sa participation à la Shoah sur le front de l’est était encore ignorée).

La Dénazification des fonctionnaires en Allemagne de l’ouest est une bonne monographie.

Sylvain Bonnet

Marie-Bénédicte Vincent, La Dénazification des fonctionnaires en Allemagne de l’ouest, CNRS éditions, février 2022, 380 pages, 25 euros

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