Julie Andrews est (Thoroughly Modern) Millie

Le titre français, Millie tout court, a raison d’omettre le « modern » du titre original. Si charmante qu’elle soit, cette comédie musicale est vraiment de la vieille école.

Dans la double page que lui consacre le Journal du dimanche du 7 mai 2023, le réalisateur américain Todd Haynes, dont le film May December sera présenté à Cannes, dresse la liste des « femmes de cinéma » qui l’ont le plus marqué.

En tête, Julie Andrews.

Bien sûr, celle-ci s’est inscrite définitivement dans l’éternité avec Mary Poppins et La Mélodie du bonheur, mais sa filmographie ne s’arrête pas là. Il y a eu aussi Le Rideau déchiré d’Hitchcock, Victor/Victoria de son époux Blake Edwards, ou encore Millie de George Roy Hill (l’homme de Butch Cassidy et le Kid), qui ressort en Blu-ray et en DVD chez Elephant Films. Une comédie musicale comme on n’en fait plus. Ou, plus précisément, comme on ne peut plus en faire.

Un mot peut-être, d’abord, sur cette appellation « comédie musicale ». De la même manière qu’un « comédien » ne joue pas forcément des rôles comiques, une « comédie musicale » n’est pas forcément drôle ; qu’on pense simplement à West Side Story. Mais les choses se compliquent quand une comédie musicale prétend traiter sur le mode comique un sujet qui ne l’est foncièrement pas.

Certes, a priori, l’argument de Millie est de ceux qui ont fait leurs preuves quand on entend amuser le public, et ce dès la plus haute antiquité : le provincial — en l’occurrence, la provinciale – débarque dans la grande ville et est un peu dépassé par les événements. Ce n’est d’ailleurs pas forcément de lui que naît le ridicule : la vision, ou plus exactement la révision à travers son regard de choses qui nous paraissent absolument naturelles nous fait tout d’un coup découvrir leur aspect arbitraire, voire absurde. C’est tout le sujet des Lettres persanes de Montesquieu.

Ici, donc, Dorothy, jeune aspirante comédienne tout droit sortie de sa cambrousse (Mary Tyler Moore), débarque dans le New York des années vingt avec l’espoir de conquérir le monde. Millie, une jeune femme — légèrement moins jeune qu’elle — (Julie Andrews) décidée, elle, à épouser son patron, la prend sous son aile et lui fait découvrir les plaisirs de la grande ville, occasion pour les spectateurs que nous sommes d’assister à des numéros de danse et de cirque qui ne sont pas sans charme.

L’intrigue ? Mariage(s) il y aura, mais pas exactement celui auquel Millie aspirait, l’inévitable jeu de l’amour et du hasard s’amusant à brouiller les cartes. Jusque-là, rien à dire, mais une intrigue parallèle vient quelque peu gâcher la fête pour qui regarde ce film aujourd’hui. Il se passe d’étranges choses dans l’hôtel où réside Dorothy. Deux Chinois enlèvent les jeunes pensionnaires pour alimenter un réseau de prostitution et Dorothy est leur prochaine proie.

Curieusement, les sympathisants wokistes crient à l’appropriation et protestent contre le fait que ces deux Chinois sont interprétés par des Japonais (dont Pat Morita, plus tard mentor du Karaté Kid), sans se demander une seconde si d’authentiques Chinois auraient accepté d’incarner ces Laurel & Hardy sinistres et grotesques, mais aucun internaute ne s’offusque du fait qu’on ait pu concevoir et monter toute une comédie musicale comique sur fond de traite des blanches. Le film, certes, date de 1967, mais les réactions, ou plutôt l’absence de réactions qu’il suscite aujourd’hui sur ce point montre que #MeToo a encore du travail à faire.

FAL     

Millie, une comédie musicale de George Roy Hill, avec Julie Andrews, George Roy Hill, Jack Soo, Pat Morita, Philip Ahn, Carol Channing, John Gavin, James Fox, Mary Tyler Moore, Elephant Films, mars 2023, 1 DVD, durée 2 heures et 21 minutes, 16,90 euros

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