La guerre d’indépendance américaine, une relecture roborative du passé

Les éditions Passés composés publient ici un ouvrage sur la guerre d’indépendance qui marqua la naissance des États-Unis, phénomène dont on mesure encore les conséquences aujourd’hui (c’est un euphémisme). Pascal Cyr, à qui on doit un ouvrage sur La campagne de France, 1814 (Sotéca, 2018) s’associe ici à Sophie Muffat, spécialiste d’histoire navale à qui on doit Les marins de l’Empereur (Sotéca, 2021). Et leur ouvrage va, comme on va le voir, s’avérer plutôt iconoclaste.

Des colons en révolte

L’histoire de l’indépendance des treize colonies commence en fait dès les lendemains du traité de Paris en 1763 qui consacre la défaite française au Canada, cédé à la Grande-Bretagne. L’état britannique s’est considérablement endetté pendant la guerre de sept ans et entend soumettre les colons à de nouvelles taxes. Ceux-ci contestent ces impôts, prétextant qu’ils veulent d’abord être représentés au Parlement de Westminster. La querelle s’envenime aussi quand Londres entend interdire à la colonisation les terres indiennes autrefois protégées par le Roi de France. La révolte fut donc d’abord fiscale et ensuite politique. On comprend d’ailleurs très bien pourquoi les Indiens, fait longtemps passé sous silence, soutinrent les troupes anglaises. On est loin des beaux principes de la déclaration des droits de 1776, qui souleva l’enthousiasme du jeune La Fayette. Une déclaration qui met de côté les esclaves (malgré des débats), les femmes et… Les Indiens.

Le rôle décisif de la France

Mais nos colons ne peuvent l’emporter seuls et décident de se tourner vers l’ancien ennemi, la France. Le congrès envoie alors des émissaires prendre langue avec Paris. Vergennes et Louis XVI y voient l’occasion de prendre leur revanche contre l’Angleterre et de se substituer à elle dans le commerce avec les treize colonies. Paris va financer la guerre des Américains, va leur fournir des armes et des canons et envoyer des officiers former la nouvelle armée commandée par Washington. Charismatique, aimé de ses soldats, ce dernier est d’abord un piètre tacticien qui apprend cependant vite. À partir de 1778, la France entre officiellement en guerre et sa marine se montre tout à fait capable de faire face à la Navy. A Yorktown, la victoire est d’abord française. C’est l’escadre de de Grasse qui bloque la Navy et la bat. Ce sont des canons Gribeauval qui font fléchir la résistance des troupes de Cornwallis et enfin l’armée américaine bénéficie du soutien décisif du corps expéditionnaire de Rochambeau. La France gagne donc largement cette guerre… pour rien ?

Un conflit fondateur

La France, en 1783, ne gagne aucun territoire et ce n’était d’ailleurs pas son intention. Les treize colonies seront donc indépendantes et deviendront en 1787 les États-Unis. Notons que la dette contractée auprès de la France ne sera jamais intégralement remboursée et que les relations commerciales se développeront surtout avec la Grande-Bretagne, au grand dam de Vergennes. La crise financière française, qui mène à la Révolution, commence donc avec la guerre d’indépendance américaine : cet excellent ouvrage, très clair et bien documenté, le rappelle en conclusion. Magistral.

Sylvain Bonnet

Pascal Cyr & Sophie Muffat, La guerre d’indépendance américaine, Passés composés, 2022, 512 pages, 25 euros

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