Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe, la dernière reine

Une reine et son biographe  

Fondateur de la revue « Libres », Raphaël Dargent est connu comme l’auteur d’une biographie de Napoléon III, L’Empereur du peuple (Grancher, 2009) préfacée par Philippe Séguin, et d’une très remarquée (et remarquable) de l’impératrice Eugénie (Belin, 2017). Il s’intéresse ici à une figure oubliée, celle de Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe et dernière femme à avoir été reine en France (même si son titre exact était celui de reine des français). Volontiers dénigrée, Marie-Amélie s’avère en définitive une femme plus complexe.  

Une Bourbon  

Elle naît à Palerme, fille d’un roi plutôt inconsistant (mais descendant direct de Louis XIV) et d’une princesse Habsbourg, Marie-Caroline. Cette dernière finit d’ailleurs par exercer le pouvoir, suscitant même l’admiration d’un certain Bonaparte dont elle fut l’une des adversaires les plus déterminées. Marie-Amélie est éduquée traditionnellement, on lui transmet le rejet de la Révolution et de ses principes : son mariage avec Louis-Philippe d’Orléans, ancien général de la république et fils du régicide Philippe-Égalité étonne de premier abord. C’est pourtant un mariage réussi et solide qui donne à ces deux personnes une stabilité émotionnelle. De plus, Marie-Amélie réussit à s’entendre avec sa sœur, Adélaïde, une vraie politique : Ces trois personnes forment un vrai trio, quasi-fusionnel. Et puis Marie-Amélie donne naissance à de nombreux enfants, ce qui lui vaut le surnom de « bonne pondeuse » décerné par les nombreux détracteurs de la famille des Orléans…  

La cause des Orléans

Rallié à Louis XVIII, Louis-Philippe et sa famille bénéficient de la Restauration mais jouent dès 1814 une partition subtile et dangereuse : être loyal envers le roi mais aussi être en réserve, au cas où… Dès 1815 et la défaite de Waterloo, l’avènement du duc d’Orléans est envisagé par les puissances alliés et le duc pendant quelques années passe une partie de l’année à Londres où il a installé sa famille : une manière de se protéger et aussi de faire entendre qu’il ne cautionne pas les excès des ultras. Et puis Orléans et sa famille occupent une place importante dans l’ordre de succession : Louis XVIII n’a pas d’enfants, les fils du futur Charles X non plus. D’où le mariage du duc de Berry, le cadet,  avec la nièce de Marie-Amélie : une vraie « concurrence des ventres » agite la cour à l’époque. L’assassinat du duc semble rapprocher la maison d’Orléans du trône jusqu’à la naissance miraculeuse d’Henri, comte de Chambord.

La couronne s’éloigne tandis que Louis-Philippe continue de subir les vexations de son cousin Louis XVIII. Et Marie-Amélie ? Elle le soutient, joue de son statut de princesse royale auprès de Louis XVIII. Et s’occupe de leurs nombreux enfants. C’est d’ailleurs une famille unie, très liée qu’ont engendré le duc d’Orléans et sa femme.  

Reine, malgré elle ?  

La révolution de 1830 voit l’accession de Louis-Philippe au trône. Sa femme en public voit ça comme un devoir… Dont elle s’acquitte avec talent. Sa correspondance, bien analysée par Raphaël Dargent, montre une femme parfaitement consciente de la fragilité de sa situation dans une France toujours agitée. L’ambition de Marie-Amélie est la même que celle de son mari : stabiliser et apaiser un pays au fond en révolution quasi-permanente depuis 1789. Elle espérait beaucoup de l’avènement de son fils le duc de Chartres, prince libéral et charismatique, qui malheureusement mourut jeune dans un accident. La révolution de 1848 est évidemment un échec pour ce couple très politique qu’elle formait avec Louis-Philippe et c’est aussi la fin définitive de la monarchie en France. Repliée en Angleterre, entourée de ses enfants, Marie-Amélie meurt en 1866, mère de princes et d’une reine (Louise de Belgique par exemple).

Cette biographie de Marie-Amélie est une bonne occasion de réévaluer sa vie.      

Sylvain Bonnet  

Raphaël Dargent, Marie-Amélie la dernière reine, Tallandier, octobre 2021, 494 pages, 24,90 eur

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