La Kippa bleue : un coming-out pop, ado et confessionnel

La Kippa bleue de D. Allouche

Premier roman de David Allouche, la Kippa bleue surprend.

Rares sont les romans pour jeune adulte (Young Adult ou YA pour les puristes) qui aborde frontalement des thèmes comme la foi, l’amour et la famille. Un condensé pop de la génération Z ?


Ici, La Kippa bleue de David Allouche chez Eyrolles Roman, premier opus de l’auteur, nous convie à un étonnant récit. Entre journal romantique et initiation sentimentale, nous suivons les pérégrinations modernes de Sasha entre Paris et Marseille.

À 17 ans, Sasha Cohen est un jeune homme fougueux et plein de vie. Un modèle type breveté génération Z ultra-connecté. Et il est décidé à prendre sa vie en main. Mais pas n’importe comment. Il veut enfin réaliser ses rêves les plus secrets. Comme aller dans une école de design, où il vient d’être reçu et aimer qui il veut surtout. Pour cela, il doit d’abord parler à son père, immarcescible figure familiale, avec son cœur, avec son âme. Pour résoudre un épineux problème, un cas de conscience douloureux.

Car il a été bercé depuis tout petit dans la foi. Élevé avec ferveur dans la religion juive, dans une famille aimante et pratiquante. Mais il a malgré tout l’impression d’avoir été surprotégé. D’avoir vécu dans un cocon. Dans un entre-soi, certes confortable, mais un vase clos par trop étouffant quand même. Bref, Il a besoin d’air.

Un week-end romantique à Paris

Et rien de tel qu’un voyage dans la famille à Paris. Mais les arrières-pensées sont claires : Il veut profiter de ce moment, en cette fin d’été idéal, pour explorer quelques derniers interdits. Se donner du courage.
Et comme tout jeune homme, le fait de flirter dans l’ambiance germanopratine, lui donne des ailes. Et lui fait croire au miracle. Peut-être croisera-il l’âme sœur ? Car, ostensiblement, les jeunes filles aperçues l’enivrent. Surtout celles qui ne sont pas de sa communauté.
Alors, quand il rencontre Carla, lors d’une exposition, devant une photo de Diane Arbus au centre Beaubourg, il ressent tout un maelstrom d’émotions.

Il lâche enfin les vannes, entre désir, sensualité et libération, il passe de l’enthousiasme à la folie douce de ce weekend en mode paradis.

Il expérimente d’avance, ce goût doux et sucré d’une liberté qu’il veut conquérir à toutes forces.

La liberté mais à quel prix ?

Mais l’obstacle à franchir est de taille. Enfin avouer à son père l’inavouable. Que depuis ses 13 ans, Dieu n’est plus dans son cœur. Toute foi l’a déserté. Le chemin tracé par la litanie de ses ancêtres séfarades, ne sera pas la voie qu’il s’est choisie. Il ne sera pas Rabbin, comme son père l’avait rêvé. Programmé.
Malgré tout cet amour qu’il ressent pour les siens, malgré toute cette tradition que finalement il chérit, il ressent si fort cette absence de spiritualité en lui, ce mensonge existentiel qui l’oppresse, qu’il n’a plus de doutes. Il ne peut plus vivre sans mentir, sans se mentir. Sa vision personnelle du monde est en jeu. 
Alors de retour à Marseille avec son nouveau coup de cœur Carla, si différente, si passionnée, et qui le soutient, il saute le pas. Car arrive la fête de Kippour, la fête du Grand pardon, moment privilégié et si ritualisé des familles comme la sienne.

Ce sera donc son grand saut dans le vide, son coming-out confessionnel…

Un condensé pop de la génération Z ?

Le pari était osé. Réunir dans un même roman, jeune adulte de surcroît, la question piégeuse du repli identitaire et la romance classique de l’émancipation. En équilibrant les facettes de Sasha, David Allouche réussit donc son propos. Bien que naïf parfois, ou agaçant (la scène fantasmée du métro), ce roman d’apprentissage respire la bienveillance et la réflexion. Des références intellectuelles parsèment ainsi le récit. On y croise Érasme, Kafka (une lecture à voix haute de la « lettre au père» quand même !). Le Talmud et les philosophes. L’art, la photo et le cinéma (autres moteurs de Sasha ).

Rien d’étonnant dans cette collection, entre pop philo, développement personnel et littérature. Elle a été révélée il y a 3 ans par le phénoménal succès de Raphaelle Giordano. « Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une », blockbuster surprise, inaugura en effet pour la maison d’édition, plus habituée aux livres de management et DIY-vie pratique, une success story éditoriale comme il y en a peu. Si la mode des feel good books prééxistait avant ce succès, elle lança un marché explosif. Car une vraie quête de sens, mais une quête positive et apaisée, apparut chez les lecteurs dans le monde post attentats.
Mais la litanie des clones, entre chick-lit, saga romantique et gloubiboulga spirituel ne surprenait jamais. Ou si peu.

Bravo donc M. Allouche ! Croire que le cheminement intérieur, son adhésion ou son refus, puisse être aussi au centre des préoccupations des jeune adultes, et en faire un roman pop, sans pathos et mélo sirupeux, est tout à votre honneur.

Révérence et chapeau-bas…

Marc olivier Amblard

David Allouche, La Kippa bleue, Eyrolles romans, janvier 2019, 14 eur

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