« Là où vivent les loups » de Laurent Guillaume

Poulet au vinaigre

Priam Monet, flic de l’IGPN à l’improbable prénom homérique ayant dépassé la date de péremption, pèse son quintal et des brouettes de mauvaise viande acariâtre et misanthrope. Pleines, les brouettes.
Autant de qualités ne pouvant laisser votre serviteur indifférent, il va sans dire que le gallinacé gagna d’emblée toute ma sympathie. Premier point positif pour le dernier roman de Laurent Guillaume donc, son principal protagoniste : un bœuf-carottes mijoté sauce aigre-amère, lourd équilibriste chancelant sur le fil acéré séparant le bien du mal (comme souvent avec les personnages de l’auteur), détestant avec une égale intensité autrui autant que lui-même.

 

La montagne, ça vous gagne

 

L’autre raison d’aimer ce livre tient au fait d’avoir su habilement délocaliser ce polar — si l’on peut me pardonner cette expression — dans les hauteurs alpines.
Le contraste devient alors assez saisissant entre un récit poisseux et les fantastiques perspectives montagnardes. Notez cependant que le savoir-faire n’est pas uniquement en cause, puisque l’on sait — pour peu que l’on s’intéresse à l’auteur- qu’icelui réside non loin des lieux évoqués. Autant vous dire que le décor, outre sa fonction esthétique, devient très rapidement un des personnages essentiels de l’histoire narrée ici avec un amour évident du sujet.

 

Baronnies provinciales

 

Si, comme votre humble chroniqueur, vous avez le bon goût de résider dans des localités dites pittoresques (des trous paumés en langage diplomatique), vous ne serez point étranger au concept subtilement évoqué dans le sous-titre ci-dessus.
Car si crime il y a — le meurtre d’un malheureux migrant — il va rapidement s’avérer qu’un potentat local — résidu néfaste d’une bourgeoisie ancien régime montée en mauvaise graine égotiste — n’est pas étranger au trépas de ce dernier. De là commence un récit d’enquête classique et nerveux, plongée sans fioritures dans la sombre arrière-cour d’un bourg industriel de province dévoilant ses secrets, ses hontes et ses péchés.

 

Performante mécanique

Traversé de fumantes répliques, le roman nous offre, de surcroît, des portraits de personnages secondaires hauts en couleur et un humour cynique et cinglant qui sait se faire discret quand le récit l’exige, l’ensemble servi par une plume vigoureuse et efficace. Ajoutons que le tout s’alimente au carburant d’une longue expérience professionnelle comme Capitaine de police et consultant en lutte contre le crime organisé (entre autres), de bons cigares et de très bon whisky… autant dire que la machine Guillaume n’est pas prête de gripper.

 

Éric Delzard

Laurent Guillaume, Là où vivent les loups,  juin 2018, Denoël, 300 pages, juin 2018, 19.90 euros

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