La petite gauloise, bientôt la fin d’un monde

Noir et rouge, les deux couleurs de Leroy

Ancien professeur, Jérôme Leroy écrit de la poésie, des nouvelles et des romans s’inscrivant dans le roman noir ou l’anticipation. Le public des amateurs l’a remarqué avec Le Bloc (Gallimard, 2011), roman où l’auteur traçait avec beaucoup de notre époque travaillée par l’extrême-droite. Politiquement, il se situe à gauche mais ça ne l’empêche pas de donner un portrait juste, sans caricature, de ses personnages situés à l’autre extrémité de l’échiquier politique. Avec L’Ange gardien (Gallimard, 2014), il a prolongé l’univers du bloc tout en donnant aussi un magnifique roman d’amour. Et oui, on peut s’aimer dans un roman noir, même si cela peut finir dans le sang comme dans Jugan (La table ronde, 2016), où un ex terroriste d’extrême-gauche, défiguré, tombe sur une jeune beurette qui méritait beaucoup mieux. L’art de Leroy repose sur son style, dur et sensible à la fois. On va voir maintenant si l’auteur continue sur sa brillante lancée avec La Petite gauloise.

 

Terrorisme à l’Ouest

Deux flics municipaux font une ronde dans une ronde dans une grande ville passée à l’extrême-droite. Ils voient un grand type basané arriver vers eux. L’un des deux flics, Richard Garcia, tire. Il tue sans le savoir le capitaine Mokrane Méguelati de la DGSI. Ce dernier vient de voir son contact, Adbdul Slimane, qui vient d’être tué dans une fusillade fomentée par des fous d’Allah. Un attentat est en préparation et Méguélati a juste le temps de prévenir ses collègues par sms avant de se faire abattre par Garcia… La police lance donc une opération de sécurité. Ils ne savent pas que tout repose sur une jeune fille, « française de souche », anarchiste et amante d’un des terroristes, qui doit faire sauter la bombe dans un endroit où il y aura le maximum de victimes potentielles

Pendant ce temps-là, Flavien Dubourg, jeune professeur puceau, prépare la venue de la jolie Alizé Lavaux, auteur de romans pour adolescents, dans sa classe. Il est loin de se douter de ce qui se prépare.

 

Du grand art

La Petite gauloise, ne nous en cachons pas, est un petit joyau. Jérôme Leroy donne un récit âpre, dur, où personne n’a de beau rôle. Terroristes islamistes et policiers du renseignement se livrent à une guerre sur un échiquier où tout est déjà décidé, ordonné, classé. Ici, il n’y aura de complaisance ni dans un sens, ni dans un autre. On a le droit de ne pas partager cette vision mais on ne peut qu’être ébloui par le style de l’auteur, épuré, lyrique, précis.

Jérôme Leroy rend aussi un hommage marqué à Jean-Patrick Manchette dès l’ouverture de son roman, qui rappelle celle du Petit bleu de la côte Ouest. Constat amer et nihiliste sur notre époque, La Petite gauloise secoue et émeut, réjouit aussi le lecteur. Une chose est certaine : Leroy est un des grands écrivains actuels, de ceux dont on ne peut se priver pour vivre.

 

Sylvain Bonnet

Jérôme Leroy, La Petite gauloise, La Manufacture de livres, mars 2018, 144 pages, 12,90 euros

 

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