La France et l’Orient, une relation pluriséculaire
Agrégé d’histoire, Jean-François Figeac est un jeune historien qui a consacré sa thèse à la question d’Orient dans l’opinion française de 1789 à 1861. Le sujet n’est pas inconnu et ressort régulièrement dans l’actualité comme le souligne Figeac avec la venue de Macron au Liban à l’été 2020 : une pétition en ligne avait été faite pour rétablir un mandat de la France, la « douce mère », pour administrer le pays du Cèdre pendant les dix prochaines années. Cette simple anecdote résume le caractère complexe et passionnel entretenu par la France et le Proche-orient de l’autre (essentiellement la Syrie, le Liban, l’actuel Israël et la Palestine ainsi que l’Égypte).
Une histoire du long terme
Au fond, le sujet c’est la fameuse politique arabe de la France. Et on peut dire qu’elle remonte à loin, à l’alliance de revers conclue par François Ier avec Soliman et aux « capitulations » octroyées par Istanbul à la France du temps de Charles IX : la France devenait alors protectrice des lieux saints et des chrétiens. De fait, le royaume des Bourbons occupe alors une place spéciale au Levant (autre nom de l’Orient) grâce aux commerçants marseillais. Elle fonde des écoles où on enseigne l’arabe et le turc (mais aussi le copte et le persan). La tentation est cependant grande de dépecer cet empire vieillissant et despotique : l’expédition d’Égypte de Bonaparte en est l’illustration. Son échec ne sonne pas la fin de cette relation, bien au contraire, le Français devenant même la langue vernaculaire des élites en Égypte et en Syrie. En 1860, la France invente même le droit d’ingérence humanitaire pour venir en aide (déjà) aux chrétiens libanais. L’attribution de l’administration de la Syrie et du futur Liban en 1919 à la France, sous couvert de « royaume arabe » (une vieille lune) est donc très logique.
Des indépendances à aujourd’hui
Syrie et Liban ont obtenu leur indépendance en 1946 après bien des tourments qui ont abîmé l’image de la France après la défaite de 1940. Il faut attendre la fin de la guerre d’Algérie et la guerre des six jours, où de Gaulle « répudie » l’alliance israélienne (le chapitre qui y est consacré détaille bien la complexité du contexte et des phrases alors prononcées) pour que débute la fameuse politique arabe de la France sur fond d’intérêt pétrolier. On ne peut pas dire que la France en ait tiré grand-chose au final, à part un prestige momentané. Au fond, les États-Unis sont, jusqu’à une période récente, la puissance incontournable de la région. Reste de cette histoire un lien indéfectible avec le Liban (et Israël quoiqu’en pensent certains) et une intrication avec le problème islamiste qui, encore maintenant, reste un défi insoluble…
La France et l’Orient est une excellente synthèse.
Sylvain Bonnet
Jean-François Figeac, La France et l’Orient, Passés composés, octobre 2022, 288 pages, 22 euros