La croisière bleue, les délices de la cavorite

On connait Laurent Genefort, vétéran de la célèbre collection « Anticipation » du Fleuve noir, pour son cycle d’Omale. Il a aussi signé des romans très intéressants comme Memoria (Le Bélial, 2008) ou Points chauds (Le Bélial, 2012). Les Temps Ultramodernes, sorti en 2022, constituaient pour lui une occasion de signer une uchronie « steampunk » où la France, grâce à la découverte de la cavorite, métal antigravitique, prenait une avance significative en explorant les planètes du système solaire, surtout Mars. L’hommage à une certaine science-fiction était assez claire. La croisière bleue est un recueil de nouvelles qui prolonge et conclue aussi l’univers peint dans Les Temps ultramodernes.

Des histoires enchâssées

Le recueil assemble quatre histoires : Le facteur Pégase, La croisière bleue, Cinquante hectares sur Mars, Le Sisyphe cosmique et A la poursuite de l’anticavorium. Dans la première, on découvre les effets psychologiques de la cavorite sur certains esprits fragiles comme celui de Gontran Rolin. La croisière bleue est une histoire d’espionnage qui nous emmène sur un transcontinental, l’Agénor, où arrive de curieux évènements :

« Un moment, on crut, et Gaspard le premier, que l’assassinat de Lord Cunninghame signifiait la fin de la croisière bleue. Le corps du dignitaire britannique avait été découvert dans sa cabine par son valet, à neuf heures précises du matin. Malgré les précautions déployées par les officiers de pont, la rumeur avait traversé le navire à la vitesse d’un feu de brousse. »

La victime ? Un espion anglais et Gaspard, lui-même employé par le Deuxième Bureau, va enquêter. L’Agénor et sa cavorite, à un moment où celle-ci devient de plus en plus rare, va amener à une tragédie… Dans Cinquante hectares sur Mars, on suit les pas d’un explorateur, à travers ses lettres à sa famille, parti comprendre le mécanisme des canaux. Et comprendre qu’une autre espèce les a précédés (les erloors vus dans Les temps ultramodernes sont-ils leurs descendants ?). A la poursuite de l’anticavorium dévoile un péril mortel approchant de la Terre, attiré par la cavorite : un astéroïde d’anticavorium justement. Le résultat sera apocalyptique.

Un recueil stimulant

On sent que Laurent Genefort a pris plaisir à créer cet univers uchronique où l’espace est l’éther et où l’humanité orgueilleuse ne se doute pas que d’autres espèces l’ont précédé. Entre les nouvelles on trouve des extraits d’articles de journaux ou d’encyclopédies dévoilant cette civilisation si proche et si lointaine de notre imaginaire (mais pas de celle de nos ancêtres, songeons aux livres d’H.G. Wells et d’autres). Les nombreux amateurs des Temps ultramodernes, qui a reçu le prix ActuSF de l’uchronie, apprécieront La croisière bleue.

Sylvain Bonnet

Laurent Genefort, La croisière bleue, Albin Michel « Imaginaire », illustration de couverture de Didier Graffet, mars 2024, 352 pages, 21,90 euros

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