La pensée nazie, douze avertissements pour l’Histoire

Historien, documentariste et ancien directeur des programmes d’histoire de la BBC, Lawrence Rees est un éminent spécialiste du IIIe Reich. Son nouvel ouvrage détonne, parce qu’il sort du confort de sa spécialité. La pensée nazie, douze avertissements pour l’Histoire ouvre l’immense débat prospectiviste sur la possibilité d’un retour d’un tel régime politique.

Une étude psychologique de l’Histoire

La méthode de Lawrence Rees consiste à essayer de comprendre les hommes qui ont adhéré à cette idéologie. Non par crainte des représailles, non pour quelque raison négative. Mais qui y ont adhéré de bon gré, sciemment, parce qu’elle répondait à leur vision du monde. Et interroger les survivants, en gardant à l’esprit la vérité sur ce fait majeur : la population n’a, dans son ensemble, pas été contrainte par les armes à obéir.

Les douze cas d’étude spécifiques sont ceux qui font l’histoire du IIIe Reich, et d’autres mouvements similaires. Et donc les douze point à garder en conscience comme potentiels alarmes. Les douze chapitres sont les suivants : Les théories du complet : Eux et nous ; Diriger comme un héros ; Corrompre la jeunesse ; La Connivence avec l’élite ; S’attaquer aux droits humains ; Exploiter la foi ; Jauger les ennemis ; Eliminer la résistance ; L’escalade du racisme ; Tuer à distance ; Attiser la peur. Il y a une manière de contrôle permanent de l’opinion pour la conduire petit à petit leu doute au rejet, de la sclérose idéologique dans un entre-soi malsain.

Ce qui impressionne, c’est que la démonstration propose une lecture de l’avènement au pouvoir d’Hitler sous le signe de la séduction. Pas de la force, pas de la haine, la séduction. Et de la complaisante lâcheté des uns, de la conviction de certains (comme le montre un grand nombre de témoignages d’anciens nazis, qui regrettent cet « âge d’or »…)…

L’histoire, d’hier à aujourd’hui

« Celui qui ne connait pas l’histoire est condamné à la revivre » signalait fort judicieusement Karl Marx. Mais au-delà de l’ignorance, souvent crasse et bienheureuse, celui qui ne cherche pas à comprendre comment l’histoire a pu avoir lieu et comment elle se répète, est coupable de la laisser se répéter. La pensée nazie, douze avertissements pour l’Histoire devrait agir comme un bréviaire pour les conscience, et montre que ce sont essentiellement les classes les plus cultivées qui ont cédés aux appels de cette haine nationalisée. De nos jours, ce paradoxe demeure, les personnes les plus cultivées étant celles qui sont le plus souvent intéressées à l’information, ils la subissent plus qu’une personne totalement étrangère à toute forme de culture. On fera le rapprochement qu’on voudra.

La pensée nazie, douze avertissements pour l’Histoire est un livre passionnant. C’est une étude très intelligente appuyée sur une culture solide. Il ne crie pas que le fascisme est à tous les coins de rue, mais que les possibilité d’un retour sont réelles. Parce qu’en complément d’une inculture historique propice à la reproduction d’anciens schémas d’endoctrinement, les tensions dans la société actuelle et dans les débats politiques laissent présager que les mécanismes particuliers qui ont permis l’avènement du IIie Reich, s’ils ne sont pas compris pour ce qu’ils ont de possibles en eux de nos jours, risquent de se reproduire.

On pourra y lire, à son gré, le portrait du populiste de son choix. De quelque côté qu’il se situe. Qu’ils s’appellent néo-nazis ou suprémacistes. Mais on devrait surtout plébisciter très largement ce travail colossal dont la force et la lucidité devrait interdire, à l’avenir, toute les farces du « on ne pouvait pas savoir ».

Loïc Di Stefano

Lawrence Rees, La pensée nazie, douze avertissements pour l’Histoire , traduit de l’anglais par Léa Jaillard, arpa, mai 2025, 541 pages, 24,90 euros

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