La guerre de trente ans, une guerre européenne

Professeure d’histoire moderne à l’université de Fribourg, Claire Gantet a concentré beaucoup de ses recherches sur le XVIIe siècle et la construction de l’ordre politique issu de la paix de Westphalie. Elle a ainsi publié La Paix de Westphalie, une histoire moderne (Belin, 2001), Guerre, paix et construction des États (1618-1714) (Seuil, 2003) et également une synthèse sur le Saint Empire coécrite avec Christine Lebeau (Armand Colin, 2018). Les éditions Tallandier viennent de publier son dernier ouvrage sur la Guerre de trente ans, conflit sur lequel on doit revenir.

Un conflit long et complexe

Voici donc l’histoire d’une guerre qui embrase l’Europe durant toute une génération et qui recoupe plusieurs conflits. C’est d’abord au sein du monde germanique une guerre entre l’Empereur et les princes du Saint Empire, sur lequel naît une guerre de Religion entre catholiques et protestants. C’est aussi une guerre où interviennent différents états : Danemark, Suède bien sûr et bientôt la France. Une guerre qui déborde en Italie, dans les Flandres et aussi dans le nord de la France. Claire Gantet y distingue quatre périodes : de 1618 à 1629, guerre entre l’Empereur et les princes protestants d’Allemagne et de bohême. Une deuxième de 1629 à 1631 voit l’empereur Ferdinand II organiser des restitutions de biens confisqués pendant la Réforme au XVIe siècle à l’église catholique tandis que la Suède de Gustave Adolphe intervient et bat l’armée impériale, tandis que la ville luthérienne de Magdebourg est entièrement détruite. La dernière de 1631 à 1648 voit la Suède et la France soutenir les princes protestants : la France entrant en guerre ouverte à partir de 1635, avec la conquête progressive de l’Alsace. C’est le début d’une phase hégémonique pour le royaume des Bourbons qui durera jusqu’à la mort de Louis XIV.

Un bilan effroyable, un conflit fondateur

Difficile de chiffrer les pertes de ce conflit. On sait que certains états allemands ont perdu presque la moitié de leur population, la démographie mettra du temps à se remettre. Le Saint Empire sort divisé du conflit, l’empereur Habsbourg devant compter avec des princes, majoritairement protestants, confortés par le soutien français et suédois. La France sort renforcé au moment des traités de Westphalie, même si la Fronde l’affaiblit temporairement. Les traités de Westphalie, soigneusement préparés, introduisent la notion d’équilibre entre puissances, très féconde pour l’avenir (n’en déplaise à Bertrand Badie !). Le Saint Empire durera jusqu’en 1806, la rivalité austro-prussienne précipitant son agonie.

La Guerre de trente ans de Claire Gantet est un ouvrage précis, remarquable, sur un sujet complexe. Il fera date.

Sylvain Bonnet

Claire Gantet, La Guerre de trente ans, Tallandier, février 2024, 640 pages, 26,90 euros

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