Le fantôme de Philippe Pétain

Un sujet inépuisable

On pensait, parmi la communauté des historiens, en avoir fini avec Pétain. L’actualité récente et les succès éditoriaux d’un polémiste devenu candidat à l’élection présidentielle ont pourtant ramené la figure du chef de l’Etat français sur le devant de la scène. Producteur sur France Inter, Philippe Collin a décidé d’interroger un aéropage d’historiens (citons ici Pascal Ory, Denis Peschanski, Henry Rousso ou l’excellente Bénédicte Vergez-Chaignon) sur Philippe Pétain dans le cadre de podcasts qu’il a ici rassemblé dans un livre publié par les éditions Flammarion. Difficile de se faire une idée qui était cet homme, né en même temps que Rimbaud et mort alors que Marylin Monroe devient une star…

Pétain avant Pétain

L’occasion est ici fournie de dire que jamais Pétain en 1940 ne serait devenu l’homme providentiel s’il n’avait pas été un des meilleurs généraux de la Grande guerre, fait souligné par Stéphane Audoin-Rouzeau et Nicolas Offenstadt. Courageux face à l’ennemi, respecté de ses hommes, Pétain réussit à Verdun à ne pas lâcher la ville aux allemands. En 1917 et 1918, il réussit à surmonter la crise du moral (tout en se montrant bien plus dur qu’on ne l’a soupçonné face aux mutins) et parie sur l’arrivée des alliés et aussi en montant des opérations utilisant avec brio chars et aviations. Son utilisation de la profondeur tactique a été saluée par exemple par Michel Goya. 

L’homme de la collaboration

Couvert d’honneurs, ministre en 1934, Pétain ne complote pas contre la République. Vaniteux mais aussi homme de devoir, il attend qu’on fasse appel à lui. Son choix de l’armistice et surtout de la collaboration avec l’Allemagne (il ne comprend pas la spécificité du nazisme) pèsent lourd aujourd’hui dans la perception d’un personnage qui fut rapidement dépassé par les évènements. Et puis il y a ce statut des Juifs, dont il aggrava personnellement certaines dispositions. L’histoire de Pétain durant les années noires est celle d’un naufrage, c’est celui d’une société française déboussolée par la défaite.

Aujourd’hui, il n’y a plus guère que quelques cercles d’extrême-droite qui célèbrent sa mémoire selon Pascal Ory. Mais son fantôme, lui, nous hante. Excellent ouvrage.

Sylvain Bonnet

Philippe Collin (sous la direction de), Le fantôme de Philippe Pétain, Flammarion, mars 2022, 363 pages, 22 euros

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