Le deux cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Napoléon
Ce 15 août 2019 marque le deux cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Napoléon Bonaparte, pour laquelle les autorités de la République ont prévu… de ne rien faire. Aucune commémoration n’est prévue, une fois de plus (songeons au bicentenaire d’Austerlitz). Le désintérêt des autorités de la République n’empêchera pas cependant beaucoup d’avoir une pensée pour cet homme hors du commun, capable des plus grandes réussites et des plus grands échecs. Voici une sélection d’ouvrages qui permettront au néophyte, au curieux et aussi à l’amateur de découvrir une vie digne des plus grands romans
Napoléon ou le mythe de sauveur de Jean Tulard
Paru en 1970, cette biographie reste incontournable. Tulard a d’abord une connaissance quasi encyclopédique du personnage et y développe la thèse suivante : Napoléon a sauvé les acquis de la Révolution en apparaissant aux yeux de la bourgeoisie qui profité de la décennie révolutionnaire, en partie en acquérant les biens nationaux issus des biens ecclésiastiques, comme le sauveur, le rempart face aux jacobins, aux royalistes et à l’ennemi extérieur. Loin des critiques de Jacques Bainville et aussi de l’historiographie communiste : fondamental.
Bonaparte de Patrice Gueniffey
Ancien élève de François Furet (que la mort empêcha de rédiger sa biographie de Napoléon), Gueniffey propose ici une biographie du jeune Bonaparte, après André Castelot et d’autres, observé de l’enfance jusqu’en 1802. Il y développe le portrait d’un homme hors du commun. Corse jusqu’au bout des ongles, le jeune Bonaparte est aussi Français par la force de l’assimilation culturelle. Au point qu’il apparaîtra de plus en plus comme un étranger lors de ses différents séjours en Corse. Indispensable et de surcroit très bien écrit.
Nouvelle histoire du Premier Empire de Thierry Lentz
Voici la somme en quatre tomes de toute l’œuvre de Napoléon tant au niveau militaire qu’administratif. Signalons ici que le troisième tome se concentre sur l’œuvre administrative du petit corse qui, longtemps, sut choisir les meilleurs pour gouverner son empire. Voici une excellente synthèse pour comprendre comment Napoléon jeta les bases de la France des XIXe et XXe siècles.
Napoléon, l’esclavage et les colonies de Thierry Lentz, Chantal Lheureux-Prévot et Pierre Branda
Attaquons-nous au sujet qui fâche et qui empêcha toute célébration en 2005 du bicentenaire d’Austerlitz. Les trois historiens ont rédigé cet ouvrage pour répondre à l’essayiste Claude Ribbe qui avait comparé Napoléon à Hitler et assimilé l’expédition de saint Domingue à une guerre d’extermination. Ils reviennent sur le sujet d’Haïti, de Toussaint Louverture, sur les idées de Napoléon sur les noirs (soyons clairs, il était un homme de son temps) et sur le processus qui a mené à sa décision de rétablir l’esclavage, sans complaisances. Un constat s’impose derechef : en matière coloniale, Napoléon a échoué.
Joséphine le paradoxe du cygne de Pierre Branda
Voici ici l’occasion de revenir sur la personnalité de Joséphine de Beauharnais, la seule passion de Napoléon. Avec beaucoup de détails, Pierre Branda dresse le portrait d’une femme meurtrie par la vie (et son premier mariage) et qui fut une des initiatrices du jeune Bonaparte au monde parisien. Elle lui inspira en tout cas des lettres que toute femme veut de son amoureux… Le trompa-t-elle ? En tout cas, elle fut son amie, sa compagne, sa conseillère (pas toujours écoutée). Très dépensière, elle vit cependant longtemps Napoléon rembourser ses dettes (mais son petit-fils Napoléon III acheva de rembourser les créanciers). Charmante et intelligente, pleine des manières de l’Ancien Régime, elle est fondamentale pour comprendre Napoléon.
Napoléon II de Jean Tulard
Napoléon divorça de Joséphine pour avoir ce fils, cet héritier pour qui il avait bâti un empire. Malheureusement il en fut privé et fut élevé en Autriche. Jeune homme malade privé de l’affection de sa mère, seul Marmont (le traître de 1814) put lui parler librement et longuement de son père. Un destin contrarié.
Talleyrand d’Emmanuel de Waresquiel
La biographie-somme rédigée par un des plus grands historiens actuels de la période sur « le diable boiteux » immortalisé par Sacha Guitry. Non sans une certaine empathie pour le personnage, l’historien dresse le portrait d’un homme qui a « aimé Napoléon », qui a retiré grand profit de son allégeance (songeons aux « douceurs » et autres pots-de-vin) tout en pratiquant à partir de 1808 le « double jeu ». Reste que Talleyrand joua un rôle important en lui présentant les élites de l’ancienne France et contribua à l’établissement de l’empire. Le « diable boiteux » eut aussi du mal à se défaire de l’attraction de Napoléon à qui le liait une relation très complexe. Une biographie qui a fait date.
Fouché d’Emmanuel de Waresquiel
Voici un portrait plus ambigu d’un homme qui fut un terroriste de la Révolution. Joseph Fouché ne fut jamais aimé de Napoléon mais il sut se rendre indispensable : avec lui, la Révolution était au cœur de l’Empire. S’il réussit à trahir son maître efficacement en 1815, il échoue à rebondir ensuite et finit exilé comme régicide, la tâche ultime…
Napoléon à Sainte-Hélène de Charles-Eloi Vial :
Une excellente peinture de la captivité de Napoléon soumis aux brimades des anglais. Un récit vivant et parfois poignant.
Bonaparte n’est plus ! de Thierry Lentz
Cet ouvrage a le grand mérite de démontrer que la mort de l’empereur des français fut un non-évènement ! d’abord il y eut l’effet des distances (eh oui il n’y avait pas Internet) qui y fut pour beaucoup. Et puis, six ans après Waterloo et une occupation du territoire qui ne prit fin qu’en 1818, les français furent plutôt indifférents. La vague romantique changea ensuite les choses
Enfin, on aimerait recommander un film. Seulement, ni Abel Gance, ni Henry Koster, ni Sacha Guitry, ni Sergei Bondarchuk ne réussirent à donner une version convaincante de l’épopée napoléonienne. On se plaît à rêver du film que Kubrick aurait pu faire…
Sylvain Bonnet
Jean Tulard, Napoléon ou le mythe du sauveur, Fayard, 1978
Patrice Gueniffey, Bonaparte, Gallimard, 2014
Thierry Lentz, Nouvelle histoire du Premier Empire, Fayard, 2002-2010
Thierry Lentz, Chantal Lheureux-Prévot et Pierre Branda, Napoléon, l’esclavage et les colonies, Fayard, 2006
Pierre Branda, Joséphine le paradoxe du cygne, Perrin, 2016
Jean Tulard, Napoléon II, Fayard, 1992
Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, Fayard, 2003
Emmanuel de Waresquiel, Fouché, Fayard/Tallandier, 2014
Charles-Eloi Vial, Napoléon à Sainte-Hélène, Perrin, 2018
Thierry Lentz, Bonaparte n’est plus !, Perrin, 2019