Le Livre de la route vers l’est

Partir à pied et noter sur un carnet de route ses petites aventures, c’est un exercice connu. Mais quand il est transformé par la plume d’un Clément Heinisch plus qu’inspiré, cela devient Le Livre de la route vers l’est, fabuleusement farfelu.

L’orient à pied

Deux camarades, épris fortement de houblon, décident de s’en aller à pied pour rejoindre l’Asie centrale et voir les Bouddhas. C’était en 1998, ils partent à deux, souvent en auto-stop, quittant Lyon pour l’Italie puis la Grèce. Ils partent presque les mains dans les poches, à la Rimbaud, pour la vraie grande aventure de rencontrer l’humanité.

Les portraits de leurs camarades de route sont savoureux. Tout colle le sont les réflexions sur l’amitié, l’alcool, et tout ce que le bord du chemin inspire quand on va lentement. Ce duo aventureux va-t-il atteindre l’objectif ou bien choir en chemin ?

La folie facétieuse

Le Livre de la route vers l’est vaut autant pour l’aventure et les belles rencontres, mais surtout par l’inventivité d’une langue qui se porte elle-même. Le style hésite entre la farce médiévale et les élucubrations verbales les plus joyeuses. Il y a un travail sur la langue tout à fait jubilatoire !

Or voici que le temps justement se rappelle à nos sens. Voilà plusieurs nuitées que passons à la fraîche, enroulés que nous sommes dans les plis et replis de nos manteaux et cabans, que chez Françoise sur clique-claque, que sur herbe, que sur siège en faux cuir, que sur dure et impitoyable dalle en béton ou adossé contre mur bien plâtré, mais sans pour autant passer nos membres tannés par la route sous belle eau rafra^cihissante et pure comme en fontaine bienfaisante, avec savon odoriférant qui lave le corps et délasse l’âme — sans pour autant toucher à l’esprit, lequel, chez le chevalier, reste stable en toutes circonstances, qu’on se le dise. Ainsi diffusons-nous alentour généreuses senteurs de sauvage cochon, de vieux tamanoir dégarni, de peau de phoque non tannée, de loup des steppes en rut et de phacochère raplapla. On le comprend bien vite aux évitements dont nous font grâce avec dédain et grimaces sans équivoque nos frères humains qui après nous vivez, que croisons en déambulations sur les points, ) l’air libre pourtant, et traversé de tous les vents méridionaux, c’est dire.

La joie du voyage physique et du verbe qui va son propre pas, la joie des rencontres et des formules, Le Livre de la route vers l’est n’est que cela : la joie !

Loïc Di Stefano

Clément Heinisch, Le Livre de la route vers l’est, Le Mot et le reste, août 2024, 120 pages, 14 euros

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