Madame Web, nouveau crash prédictible pour Marvel

Secouriste chevronnée, Cassandra Web peine en revanche à trouver un équilibre dans sa vie personnelle. La mort de sa mère dans de mystérieuses circonstances lors de sa naissance, ne l’aide pas à s’épanouir. Pourtant, un beau jour, tout s’accélère quand elle développe un don de voyance surhumain. Ce pouvoir va lier son destin à celui de trois adolescentes, menacées par un redoutable individu, Ezekiel Sims, lui aussi connecté à son passé…

En 2002, Sam Raimi exauçait les vœux de millions de fans en adaptant les aventures de Spider-Man sur grand écran, avec une réussite indéniable. Son triomphe profita bien entendu à Sony, le studio détenteur des droits du personnage. Hélas pour Sam Raimi, son héritage n’aura jamais été entretenu par la firme. Après une première relance des aventures du protagoniste et un diptyque très fade signé Marc Webb, vint le temps de la collaboration avec Disney et Kevin Feige, pour une nouvelle trilogie insipide (mais rentable au box-office) davantage basée sur le fan service que sur l’aspect créatif.

En parallèle, afin d’exploiter sa franchise jusqu’à la lie, Sony a étendu son univers cinématographique à tous les protagonistes, liés de près ou de loin au tisseur de toile. Bilan jusqu’à présent hors animation (Spider-Man : Across into the Spider-Verse et Into the Spider-Verse se sont imposés comme deux monuments) : un désastre absolu avec deux opus ineptes dédiés à Venom et un Morbius digne des grandes heures du Spawn des années quatre-vingt dix. Mais le pire restait à venir ou (avenir en référence à l’héroïne), puisque Madame Web débarquer en grandes pompes (ou plutôt par la petite porte) et le long-métrage semble s’inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs.

Sony a bel et bien renoncé à défendre sa dernière production (au regard de la campagne promotionnelle) et cela se comprend tant Madame Web relève plus du pire téléfilm diffusé l’après-midi sur TF1 que du blockbuster catastrophique ; ses airs fauchés et sa finition quelconque feraient fuir même le chaland le plus tolérant. La faute en incombe à une politique discutable et à une mise en scène aux abonnés absents (bon, le cinéphile averti s’habitue à cet écueil avec les licences de tout bord, super-héroïques ou non). Cet échec absolu était prévisible malgré un matériau assez intéressant sur le papier, mais le choix de la cinéaste pour diriger ce projet a définitivement entériné les minces espoirs qui pouvaient encore subsister.

Pour qui sonne le glas ?

En effet, on retrouve S.J. Clarkson derrière la caméra, connue principalement pour ses travaux destinés pour le petit écran ou pour des plateformes. Parmi eux, The Defenders, une série Marvel Netflix, qui a rassemblé tous les suffrages de la médiocrité, d’autant plus que le géant se vantait jusque là, à juste titre, de posséder des contenus super-héroïques de qualité  avec Daredevil, Jessica Jones ou Luke Cage. Sans grande surprise, la réalisatrice n’a point progressé depuis et Madame Web prend l’eau de toutes parts, pas aidé par son budget très modeste pour un film de ce genre (quatre-vingt millions quand même mais cela paraît peu par rapport aux sommes colossales allouées ces derniers temps à bon nombre de blockbusters).

Son exposition, sans saveur et surtout sans originalité annonce le pire comme le ferait la protagoniste, diseuse de bonne aventure améliorée par le venin d’une araignée surnaturelle. À ce sujet, on regrette que le traitement la concernant ne se démarque que par une vacuité formelle et un script indigent, tant le personnage original, second couteau certes, se distingue par son charisme. Dans le comic book, Madame Web, précieuse alliée de Spider-Man, perçoit les fils du futur mais se révèle impuissante à les altérer, sans l’aide d’un agent. Handicapée et aveugle, elle ne peut intervenir directement. Bien entendu, le long-métrage brise d’emblée ce postulat et renie l’aura mythologique entourant la voyante. Quant à Ezekiel Sims, introduit dans la bande-dessinée par J. Michael Straczynzki (scénariste de comic book et aussi de la série Babylon 5) dans les années 2000, il perd ici toute sa saveur (ainsi que le fameux principe totémique qui avait revigoré l’univers de Spider-Man) au profit d’un Tahar Rahim qui s’interroge sur les raisons de sa présence.

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L’acteur français tout comme Dakota Johnson délivrent un ersatz de performance, pas soutenu il est vrai par la cinéaste. L’appât du gain les motive bien plus que d’endosser leurs alter ego ; un problème qui mérite d’ailleurs d’être soulevé. Auparavant, les films de super-héros un poil ambitieux réunissait des interprètes de premier ordre qui n’hésitaient pas à s’investir : Marlon Brando, Gene Hackman, Danny de Vito, Michelle Pfeiffer, Willem Dafoe, Alfred Molina, Patrick Stewart, Michael Fassbender ou encore Scarlett Johansson. Désormais, l’attrait d’un cachet juteux constitue l’unique mot d’ordre pour les acteurs et les actrices desdites productions, qui ne fournissent même plus un minimum d’effort, accélérant le naufrage d’un pavillon aux structures fragiles.

Quant à la mise en scène, concept très vulgaire lorsque l’on évoque Madame Web et sa réalisatrice, elle s’appuie sur tous les clichés imaginables et les raccourcis racoleurs exaspérants. S.J. Clarkson envoie les violons tout en arpentant des chemins balisés, pour s’affranchir de toute réflexion ou prise de risque. En atteste notamment sa manière d’aborder les visions de son héroïne ; aucun effort au moment de les retranscrire, juste de vagues effets de style, proches de ceux adoptés dans le pas bien fameux Next de Lee Tamahori.

Par conséquent, vu l’ampleur des dégâts, Sony aurait sans doute dû se résigner à cacher son immondice jusque la fin des temps (à l’image de Warner et de Batgirl). Le studio aurait ainsi épargné au public un tel résultat. Certains long-métrages sont qualifiés de minable, d’autres de navrant. Madame Web accomplit le tour de force de correspondre aux deux termes. Chapeau bas !

François Verstraete

Film américain de S.J. Clarkson avec Dakota Johnson, Tahar Rahim, Sidney Sweeney. Durée 1h57. Sortie le 14 février 2024.

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