Le loup en slip, tome 8 : Et le mystère du P silencieux
Grumo, le p’ti’ zozio un peu rebelle de la forêt se réveille un matin avec les nerfs ! Vraiment les nerfs ! La langue française, ça lui fout les glandes ! Il a envie de tout péter.
Non mais c’est vrai, c’est qui le motiste qui a inventé tous ces mots compliqués ? Des « s » par-ci, des « x » et des « z » par-là, et que j’te mets là un « t » qu’on n’entend pas et ici un « p » qu’on ne prononce pas ? Il veut rendre les gens fous ou quoi ?
Grumo, vous l’avez compris, il est super vénère ! Il ne comprend pas pourquoi la langue française est si compliquée. Pourquoi on n’écrit pas juste ce qu’on entend après tout ? Ce serait bien plus simple…
Oula, gros sujet ! Alors il va voir le loup en slip ! Lui, il est cool, il ne se prend pas la tête, il va comprendre. Grumo expose donc sa théorie de la facilité au loup qui l’écoute avec attention. Bah oui, il est cool le loup en slip, il est vraiment cool. Mais quand Grumo tente de lui faire comprendre que c’est débile de mettre un « p » à « loup », il ne partage pas forcément son avis. Il est cool, mais il connaît un peu l’histoire de son nom.
– Ok, je prends un autre exemple. Pourquoi y a-t-il un « p » à la fin de ton nom : loup ?
– Ça je sais ! C’est parce que je viens du latin.
– Chais même pas c’est quoi le latin.
– Les latins vivaient ici il y a longtemps. C’était nos arrières-pépés. Ils disaient tout le temps « ousse » : Avé Cayousse Frimousse la péchousse ? Tranquillousse. Et pour dire « loup, ils disaient « loupousse », donc on a gardé le « p ».
– Et pas le « ousse » ?
– Euh, non.
– Et ton slip, il vient de « slipousse » ?
– Sûrement…
Donc le loup, il n’est pas tout à fait d’accord avec Grumo. Il se dit que s’il y a un « p » dans son nom, c’est pour une bonne raison. C’est pas juste un mec qui s’est tapé un gros délire un jour et qui s’est dit : « allez les gars, j’suis un gros déglingos, je vais mettre un « p » à la fin du mot loup. J’sais pas pourquoi, mais je vais le faire ! »
Mais comme le loup ne sait pas tout, il emmène son copain voir l’ourse Paulette. Alors Paulette leur explique gentiment que la langue française, c’est comme une forêt. Certains mots ont pris racine au cœur de très vieux arbres. Chaque mot a poussé quelque part, avec sa racine, son identité, son Histoire. Alors quand les mots tombent comme de vieilles feuilles à l’orée du bois, ils gardent avec eux quelques fragments de la terre qui les a vus pousser, emportant ici un « p », là-bas un « d ».
Et voici notre loup préféré qui ose, de sa patte velue, ouvrir le rideau sur la scène du grand débat qui anime depuis toujours les amoureux de la langue française, et particulièrement en ce moment.
Entre Grumo qui voudrait massacrer la langue, la mettre en charpie et l’académie des taupes qui veut que rien ne change, même pas quand cela prend du sens, vouant aux écrits sacrés un culte à la limite de la névrose, le loup ne viendrait-il pas nous dire qu’au milieu de cette forêt obscure, il y a un croisement à trouver entre ces deux chemins ?
Même si c’est long et un peu ch…hum…ennuyant, c’est ta langue p’tit gars ! Tu peux la tordre un chouïa, lui faire des clés de bras quand ça va pas. Mais tire pas trop sur la laine, p’tit mioche, sinon après ça bouloche et ça fait des trucs moches.
En tout cas, c’est avec son humour légendaire qu’il ouvre le débat et ça met tout le monde d’accord !
Elodie Da Silva
Wilfrid Lupano (scénario) et Mayana Itoïz (dessin, couleurs), Le loup en slip, tome 8 : Et le mystère du P silencieux, Dargaud, novembre 2023, 42 pages, 10,95 euros