Le polythéisme grec comme objet d’histoire, une leçon d’excellence

Une historienne belge au collège de France

Professeur à l’université de Liège, Vinciane Pirenne-Delforge y enseigne l’histoire et l’anthropologie des religions. Elle a au final peu publié jusqu’ici : on lui doit des articles et surtout deux ouvrages, un Retour à la source : Pausanias et la religion grecque (Kernos, 2008) et L’Héra de Zeus : ennemie intime, épouse définitive, en collaboration avec Gabriella Pironti (Les belles lettres, 2016). Pour son entrée au collège de France en 2017, à la chaire consacrée à la Grèce antique, elle prononce une leçon sur le polythéisme grec, reprise et publiée par les éditions Fayard.

 

Du bon usage des mots

Vinciane Pirenne-Delforge commence tout d’abord par partir des mots. Elle signale par exemple que le mot « polythéisme » (forgé par Philon d’Alexandrie) est surtout utilisé à partir de la renaissance, on lui préférait auparavant le mot « paganisme », fréquemment utilisé par les pères de l’église. Elle rappelle ensuite avec pertinence que « religion » et « société » n’appartiennent pas au vocabulaire de l’époque (le premier terme renvoie au latin « religio », ce qui relie). Elle souligne ainsi la difficulté à s’approprier un passé avec des mots et des concepts en partie anachroniques.

 

Dieux, mythes et croyance

John Scheid, également au collège de France, a autrefois publié un ouvrage intitulé Quand faire, c’’est croire sur le rapport des romains à leurs dieux. Chez Vinciane Pirenne-Delforge, on aborde un autre domaine. Pour elle, aborder une culture polythéiste revient à aborder un monde où « tant les dieux que les hommes participent d’un cosmos où ne se marque pas de coupure ontologique radicale ». Les grecs donnaient à leurs dieux une forme humaine. On retrouve ces dieux dans toutes les cités grecques, au même titre que la langue. Un facteur d’unité dans un monde grec (1000 cités à travers la méditerranée et la mer noire !) travaillé par le « localisme » (encore un mot qui n’existe pas dans la Grèce antique !) dont notre historienne se promet de montrer la singularité : c’est beaucoup, c’est énorme comme objectif tant les grecs sont à la fois si proches et si lointains de notre monde.

En tout cas, la recherche historique a trouvé en Vinciane Pirenne-Delforgue une spécialiste de qualité.

 

Sylvain Bonnet

Vinciane Pirenne-Delforge, Le Polythéisme grec comme objet d’histoire, Fayard – collège de France, juin 2018, 64 pages, 12 euros

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