Les derniers jours de Staline : et le tyran mourut

Retour sur le petit père des peuples

Auteur d’une biographie d’Ilya Ehrenbourg, Joshua Rubenstein est un spécialiste américain des relations internationales pas traduit dans nos belles contrées francophones : la parution des derniers jours de Staline, à quelques semaines du soixante-dixième anniversaire de la mort du dirigeant soviétique, répare cet oubli. C’est aussi une occasion de revenir sur ce moment particulier de la vie d’un des dictateurs les plus sanguinaires de l’histoire du monde.

De l’humour noir et de la misère du monde

Disons-le de suite : Rubenstein est un orfèvre du récit historique. Le livre s’ouvre sur stricto sensu sur les derniers moments de Staline, victime vraisemblablement d’une attaque cérébrale (ou d’une crise cardiaque, compliqué). Son personnel, terrorisé par le dictateur, ne le voyant pas appeler pour son déjeuner, a trop attendu avant d’aller voir ce qui se passait. Ils découvrent un Staline paralysé. Les médecins viennent, l’auscultent, la peur au ventre (et on sait pourquoi) et voilà que débarque les membres du politburo. C’est cocasse de voir ses collaborateurs, des hommes endurcis qui ont du sang sur les mains (Beria plus que d’autres) trembler encore de peur devant le Vojd inconscient : et s’il se réveillait ? Heureusement pour eux, ce ne sera pas le cas, Staline meurt et le monde bascule dans l’incertitude.

Le pire est passé… mais de quoi demain sera-t-il fait ?

Dans les derniers mois de 1952, Staline, rappelons-le, préparait une purge avec le fameux complot des médecins, majoritairement juifs, et une campagne aux relents antisémites, quelques années seulement après la découverte de la Shoah et des charniers d’Auschwitz par l’armée rouge. Et puis il y avait la guerre de Corée qui n’en finissait pas. On ne saura jamais ce que Staline voulait faire. On voit en tout cas ce que sa mort ouvre comme potentialités : le politburo entend baisser les tensions, met fin au sinistre complot des blouses blanches, convoque les dirigeants des pays frères, l’est-allemand Ulbricht en tête, pour leur expliquer qu’il faut lâcher du lest, et, enfin, ils libèrent des prisonniers du Goulag. En face, l’Ouest ne sait pas comment réagir. Malgré un discours de Malenkov plutôt ouvert, Eisenhower reste prudent. Attend. Peut-être rate-t-il une chance de réunifier l’Allemagne, ce que Beria était prêt à laisser faire. Mais Beria est bientôt éliminé par Khrouchtchev qui va relancer la guerre froide sous une autre forme.

Les derniers jours de Staline de Rubenstein est un livre passionnant.

Sylvain Bonnet

Joshua Rubenstein, Les derniers jours de Staline, traduit de l’anglais par Johan-Frédérik Hel-Guedj, Perrin, janvier 2023, 368 pages, 24 euros

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