Les fils de la poussière, crimes en Islande

L’islandais du polar

Depuis une vingtaine d’années, l’Islande est devenue une terre d’élection du polar, avec notamment Stefan Mani et surtout Arnaldur Indridason. Ce dernier a créé un personnage de flic, l’inspecteur Erlendur, têtu et mutique, toujours accompagnés dans ses enquêtes de ses équipiers, Sigurdur Oli et Elinborg. Dès La Femme en vert, Indridason s’impose comme un auteur majeur, peintre d’une île de 250 000 personnes où le crime règne comme ailleurs, là où la nuit presque cinq mois. Les éditions Métailié ont publié en octobre dernier Les Fils de la poussière, premier roman de l’auteur. Peut-on y retrouver les origines de son succès ?

L’enfance nue

Un matin, Palmi vient rendre visite à son frère Daniel, schizophrène soigné à l’hôpital. Daniel est en pleine crise et menace de se jeter dans le vide.

— Ces porcs savent très bien ce qu’ils ont fait. / — Daniel, de quoi tu parles ? Allez, éloigne-toi de cette fenêtre. S’il te plaît, allons dans la chambre. On pourra discuter tranquillement de ton retour à la maison. / — Tu sais, c’est en ce moment que la Terre est la plus proche du soleil, mon petit Palmi, reprit Daniel, semblant avoir retrouvé sa sérénité. Il embrassa doucement son frère sur le front. Quand il recula, Palmi soupçonna ce qu’il s’apprêtait à faire. »

Daniel se tue, suscitant d’intenses questions chez son jeune frère. Les blessures d’enfance resurgissent, Palmi se souvient par exemple du jour où son aîné l’avait attaché sur son lit, tout en mettant le feu au drap. Il en a gardé des cicatrices à la main. Parallèlement, il apprend que l’ancien professeur de Daniel, Halldor, est venu le voir à l’hôpital : est-ce la cause de son suicide ? Halldor meurt au même moment dans l’incendie de son appartement et l’équipe d’Erlendur, de la police de Reykjavik, mène son enquête.

Enfant sans père, violé dans son enfance, Halldor a semble-t-il commis des attouchements sur des jeunes enfants dans une école de province avant d’être nommé dans l’école où il fut le professeur de Daniel. Palmi et Erlendur mènent leur enquête : tous les garçons de la classe d’Halldor où était Daniel ont connu une fin tragique, sous le coup d’addictions à la drogue où l’alcool. Quand Palmi reçoit à son domicile une série de cassettes, envoyés par Halldor avant sa mort, il découvre que ces gosses ont fait l’objet d’une expérience médicale…

Les débuts d’un auteur très prometteur

Les Fils de la poussière est un roman passionnant pour tous ceux qui lisent Indridason avec passion. On retrouve ici son personnage fétiche, déjà pleinement constitué. Il est cependant par rapport à Palmi et à la révélation progressive de son histoire familiale. Le personnage de Palmi, jeune frère cherchant à comprendre et à réhabiliter son aîné, émeut. On est pris ici dans l’intrigue et les révélations soigneusement distillées par Indridason. Cependant, ce roman cède dans son dernier tiers au spectaculaire, par rapport à l’expérience subie par les enfants (une des causes de la schizophrénie de Daniel).

Sans tout dévoiler, on est alors plus proches du thriller, voire de la science-fiction, genres mal maîtrisés par notre auteur qui ne s’y aventurera d’ailleurs plus. Par contre, on retrouve ici l’ambiance oppressante et le désespoir insulaire (on a toujours cette impression d’enfermement dans un roman d’Indridason) caractéristiques de son œuvre.

Ce roman fera le délice des amateurs nombreux de l’auteur de La Femme en vert et de Betty.

Sylvain Bonnet

Arnaldur Indridason, Les Fils de la poussière, traduit de l’islandais par Eric Boury, Métailié, octobre 2018, 288 pages, 21 eur

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