L’institution de l’esclavage, une approche mondiale et comparative

Un chercheur de renom

 

Anthropologue, Alain Testart fut l’auteur de Chasseurs cueilleurs ou l’origine des inégalités (1982), d’Avant l’histoire (Gallimard, 2012) et Art et religion de Chauvet à Lascaux (Gallimard, 2016). L’Institution de l’esclavage est la reprise d’un ouvrage sorti en 2001 sous le titre L’Esclave, la dette et le pouvoir. Décédé en 2013, Alain Testart n’a pu terminer la supervision de cette réédition, assurée par sa collègue Valérie Lécrivain.

 

Un panorama de l’esclavage

 

Testart procède ici en comparant dans l’histoire l’esclave et l’esclavage dans les sociétés humaines. On le voit ainsi analyser la Grèce et la Rome antique, les sociétés africaines, amérindiennes, la Chine et l’Inde aussi. Un premier constat : rares sont les sociétés à n’avoir pas connu l’esclavage. Pour autant, il ne s’agit pas forcément du même esclavage. On devient esclave d’abord et souvent parce qu’on est fait prisonnier dans une guerre et du coup, Testart fait la proposition suivante :

 

Qu’est-ce qu’une société sans esclavage ? La réponse est simple : il s’agit d’une société qui ne fait pas de prisonniers. Les australiens (les aborigènes), par exemple, ignorent l’institution de l’esclavage : ils tuent. »

 

A Rome, les guerres fournissent une quantité impressionnante d’esclaves. Au Moyen-âge, les européens n’ont d’esclaves que des hommes faits prisonniers, particulièrement sur les marges : sarrasins, guanches des îles Canaries. Testart insiste aussi beaucoup sur la notion d’esclavage pour dettes, pratiqué en Chine par exemple mais pas en Occident.

 

Derrière l’esclavage, la naissance de l’Etat

 

Pour notre anthropologue, il y a un lien direct entre l’esclavage et la naissance d’un Etat prémoderne. Il fait le constat suivant : les esclaves disposent progressivement d’un statut et ont des conditions de vie moins dures dans des empires plutôt que dans des sociétés sans Etat. D’abord et avant tout parce que les propriétaires d’esclaves sont généralement riches et puissants et l’Etat naissant y voit une occasion de contenir leur pouvoir. Pour autant, l’Etat ne favorise pas leur affranchissement :

 

La clémence suprême est l’affranchissement, faveur qui peut toujours être octroyée par le maître et reste normalement en son pouvoir. Et ce pouvoir n’est pas moins inquiétant […] pour le pouvoir central, car le maître qui affranchit son esclave le conserve en général comme fidèle, comme client, comme un affidé d’une façon ou d’une autre, à sa solde plutôt qu’à son service. C’est pourquoi le pouvoir despotique tend à limiter les facultés d’affranchissement du maître tout autant que les côtés odieux et excessifs de sa domination. »

 

C’est à un singulier voyage que nous invite ici Alain Testart. On regrettera cependant le côté « décousu », somme d’interventions et d’articles publiés dans différentes revues. Reste une réflexion passionnante.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Alain Testart, L’Institution de l’esclavage, édition révisée et complétée par Valérie Lécrivain, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », mars 2018, 384 pages, 27 euros

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