Louise de Vilmorin, la passagère du XXe siècle

Une biographe de femmes célèbres

Professeur à l’université de Rouen, Geneviève Haroche-Bouzinac s’est fait un nom en tant que biographe. On lui doit ainsi des livres sur la célèbre portraitiste Elisabeth Vigée le Brun (Flammarion, 2011) et aussi Henriette Campan (Flammarion, 2017), ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette devenue patronne de pension pour jeunes filles — et qui compta Hortense de Beauharnais parmi ses pensionnaires. Elle s’attaque ici à la figure de Louise de Vilmorin, écrivain un peu oublié aujourd’hui mais qui eut dans les années cinquante et soixante un grand succès.

Une héritière singulière

Louise de Vilmorin naît en 1902 dans une famille de la haute bourgeoisie parisienne qui a fait fortune dans la botanique. Elle grandit dans une famille nombreuse, plus proche de ses frères qu’elle adore que de sa sœur, adorant son père peu présent. Quant à sa mère… Disons que le courant passe mal. La petite fille se bâtit, selon son propre récit des années plus tard, son propre monde imaginaire. Est-ce là que se décide son talent d’écrivain ?

Après la mort de son père et la fin de la guerre, elle est mariée à un américain (après avoir laissé soupirer le jeune Antoine de Saint Exupéry), Henry Leigh Hunt. Ce dernier l’emmène dans le Nevada, lui fait trois filles. Mais Louise s’ennuie… Après quelques aventures, elle divorce à ses dépens et perd la garde de ses enfants. Entre-temps, elle s’est mise à écrire grâce au soutien de quelques amis, dont André Malraux, un de ses nombreux amants. Son premier roman Sainte-Unefois réussit l’exploit d’être soutenu par un grand nombre de gens dont les surréalistes, Jean Cocteau et Pierre Drieu La Rochelle.

Toujours élégante à travers le siècle

En lisant cette biographie, on découvre une femme volontiers frivole, mondaine par choix, attirée par le clinquant et soit ignorante soit indifférente à la politique. Elle passe la guerre entre Hongrie et France, fréquente Otto Abetz tandis qu’un de ses frères est à Londres. A la libération, elle devient la maîtresse de Duff Cooper, ambassadeur de Grande-Bretagne. Louise de Vilmorin, grâce à son charme inimitable, passe à travers les gouttes de l’épuration malgré son hostilité à de Gaulle. Les années cinquante marquent même son triomphe. Son roman Madame de… est ainsi adapté au cinéma (1). Son charme est aussi une carapace. Elle parvient toujours à rebondir et séduire, une qualité dans le marigot littéraire parisien ! Même Léautaud finit par lui faire des compliments sur un de ses romans !

Elle finira sa vie comme compagne « officielle » d’un de ses anciens amants, Malraux, devenu dignitaire de la Ve République, avant de décéder brutalement en décembre 1969. Et Malraux lui resta fidèle à sa manière : il refusa de se réconcilier avec Maurice Druon parce que Louise était fâchée avec lui. Il fit aussi de sa nièce Sophie sa dernière compagne.

Que garder de cette passagère du siècle, poète magnifique et romancière mineure ? La classe, quelque chose qui ne s’explique pas. La photo de couverture de cette biographie, la montrant entre ses quatre frères, est éclairante.

Lisez et voyez Madame de… !

Sylvain Bonnet

(1) Par le grand Max Ophuls (qui a fui autrefois l’Allemagne parce que juif) avec la magnifique Danielle Darrieux (qui fit, rappelons-le, un beau voyage en Allemagne en 1942).

Geneviève Haroche-Bouzinac, Louise de Vilmorin, Flammarion, octobre 2019, 520 pages, 23,90 eur

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