La Commune au présent, l’autre commémoration
Une historienne engagée
Si l’année 2021 marque les deux cents ans de la mort de Napoléon, c’est aussi le moment d’une autre commémoration, peut-être aussi importante : les 150 ans de la Commune de Paris. Ancienne élève de Normale et historienne engagée, Ludivine Bantigny, auteure de La France à l’heure du monde (Seuil, 1968) et de La Plus belle avenue du monde (La Découverte, 2020), a décidé d’adopter une approche originale en écrivant des lettres aux différents acteurs de la Commune, des plus connus comme Eugène Varlin ou Louise Michel à des plus obscurs. Le but est simple : montrer l’actualité de la Commune et de ses combats.
Correspondances…
À travers cette correspondance par-delà le temps, Ludivine Bantigny essaie d’établir un parallèle entre les combats de 1871 et ceux d’aujourd’hui. Et il est vrai que la Commune engagea nombre de combats qui furent féconds : songeons à la séparation de l’église et de l’État effective en 1905 (sauf en Alsace-Moselle), à l’égalité hommes/femmes, à l’éducation pour tous.
Reconnaissons aussi que ce fut la première fois qu’un gouvernement constitué de gens issus des classes ouvrières s’installait au pouvoir (mais pas pour longtemps). Ces lettres sont enrichies de photos, de gravures, ou encore d’actes issus des archives, qui accentuent l’effet de télescopage entre passé et présent.
… et limites de l’exercice
On l’a dit, Ludivine Bantigny est une historienne engagée et saluons ça, tant c’est devenu rare aujourd’hui. En même temps, notons tout de même que l’analogie a ses limites : les combats du passé ne sont pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui (et évitons de minimiser l’assassinat d’otages tel Mgr Darboy). Si le mépris des classes dirigeantes ne change pas (songeons aux déclarations d’un certain président concernant les caissières illettrées…), le niveau de vie moyen s’est considérablement élevé au XXe siècle, l’État-Providence a été constitué grâce aux luttes populaires, au général de Gaulle et… au PCF (qu’on oublie aujourd’hui).
Certes, certains acquis sociaux sont menacés par le néo-libéralisme et ses serviteurs zélés mais nous ne sommes plus en 1871. Enfin, les différences entre « communards » (ou « communeux », c’est moins péjoratif) étaient fortes : quoi de commun entre Delescluze et Varlin, sinon l’hostilité à Thiers et au gouvernement de Versailles ?
La Commune au présent est un ouvrage intéressant, engagé et donc parfois partial.
Sylvain Bonnet
Ludivine Bantigny, La Commune au présent, La découverte, mars 2021, 397 pages, 22 eur