Éloge de la neige de Luis Seabra
Un exercice ancien
Dans l’antiquité l’éloge était déjà un genre littéraire vantant les mérites d’une personne, Luis Seabra en adapte la pratique dans son Éloge de la neige. Ses flocons furent pour lui bien exotiques au moment de leur découverte : il ne les avait rencontrés que dans ses lectures, il n’en avait rien connu de réel dans son enfance, à Lisbonne.

Autant que de la neige, l’auteur fait l’éloge de la littérature : dans la quarantaine de ses courts chapitres, qui sont autant de variations sur son thème (Luis Seabra est également pianiste), il en appelle à une trentaine d’auteurs qui ont écrit sur la neige. Il en donne la liste en fin de livre, de Bashô à Wittgenstein.
La neige dans tous ses éclats
Avec l’auteur on goûtera les mille éclats de la neige. Poudreuse, elle est la légèreté même. Elle s’attache la lumière au point de devenir phosphorescente. Discrète et pudique, elle est un masque de beauté pour les imperfections de la terre. Éphémère comme toute beauté, elle a l’érotisme des peaux blanches, presque diaphanes. Elle est aussi une page blanche qui garde les traces…
Elle peut être aussi associée à la mort. Seabra prononce l’éloge funèbre de Robert Walser, cet énigmatique écrivain qui décida de fuir le monde en se réfugiant dans un hôpital psychiatrique, retrouvé un jour mort, la face dans la neige. « Je tenais la neige à elle seule pour un manteau m’enveloppant d’une merveilleuse chaleur » avait-il -écrit par avance dans un récit titré Retour dans la neige.
L’auteur va jusqu’à affirmer que la langue française est neigeuse. Il a fallu qu’elle ne soit pas sa langue natale pour qu’il y soit sensible, dit-il. « Ses syllabes glissantes sembler fondre sous la langue comme neige au soleil ». Est-ce à cause du « e » muet, silencieux comme la neige ? De la douceur de ses scansions qui la fait « osciller entre les suggestions du blanc et de l’incolore ? » On peut le ressentir à partir de ces courtes citations : la langue de Seabra est sensible et poétique, inventive en même temps que classique : on peut en faire ses délices si l’on se pique d’être lettré, ou si on veut le devenir.
Mathias Lair
Luis Seabra, Éloge de la neige, Rivages, février 2025, 192 pages, 18 euros